Texte d’opinion signé par Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Il y a six semaines, notre PIB était en croissance. La rémunération moyenne au Québec augmentait plus qu’ailleurs au Canada et notre taux de chômage atteignait des planchers historiques. Les investissements publics et privés étaient à la hausse et le gouvernement se préparait à investir massivement dans la transition énergétique et la reconstruction de nos établissements scolaires.
Puis, la COVID-19 est arrivée. Le choc a été extrêmement brutal.
Un premier cas a été confirmé il y a 50 jours à peine. Après avoir décrété la fermeture des écoles, on annonçait il y a 25 jours l’arrêt de toutes les activités non essentielles. C’était, on le sait, ce qu’il fallait faire pour éviter une catastrophe sanitaire.
La réaction de la population et des entreprises a été exemplaire. Nous avons été très disciplinés. On le voit bien aujourd’hui : la catastrophe a été évitée, mais inévitablement, cette décision a eu des conséquences économiques dévastatrices.
Les entreprises sont passées en mode urgence en moins de 48 heures. Celles qui ont pu le faire se sont converties au télétravail et au commerce en ligne.
Mais un très grand nombre d’entreprises ont vu leurs revenus s’évaporer, entraînant une pression intenable sur leurs liquidités.
Il y a eu des mises à pied massives. Du quasi-plein emploi, nous sommes passés à un taux de chômage estimé à 15 %. Plus de six millions de Canadiens ont rempli une demande de prestation d’urgence en quelques jours.
Les gouvernements ont été rapides à réagir devant l’urgence économique. Ils ont mis en place une multitude de mesures fiscales et financières pour aider les citoyens et les entreprises. Ils ont été à l’écoute.
L’octroi de subventions salariales massives, les garanties de prêt et l’aide pour le paiement des loyers commerciaux font partie d’un arsenal inédit pour aider les entreprises à garder la tête hors de l’eau.
Malgré toutes ces mesures, l’impact économique a été foudroyant. On estime que le produit intérieur brut du Québec pourrait se contracter de 42 milliards de dollars au deuxième trimestre. Les finances publiques ont également été mises à mal et on s’attend à des déficits très importants, à Ottawa comme à Québec.
Ce qui est rassurant, c’est que malgré tout, nos gouvernements ont suffisamment de marge de manœuvre pour continuer d’agir et pour contribuer à la relance qui s’en vient.
Préparer le redémarrage maintenant
Les informations qui proviennent des autorités sanitaires sont encourageantes.
En coulisses, les réflexions concernant le redémarrage sont donc amorcées. Tous en conviennent, si la mise à l’arrêt a été soudaine, le redémarrage devra se faire progressivement.
La reprise des activités ne sera réussie que si elle est bien planifiée. Certains secteurs d’activité seront appelés à redémarrer en priorité – c’est déjà le cas depuis quelques jours.
On voudra donner aux entreprises suffisamment de préavis pour qu’elles puissent s’organiser. Elles devront pouvoir compter sur des chaînes d’approvisionnement opérationnelles pour éviter le « go and stop » qui pourrait se produire si des entreprises devaient s’arrêter après quelques jours de redémarrage.
Travailler au temps de la COVID-19
Il faudra optimiser la façon de se déplacer. On voudra éviter les périodes de fort achalandage dans les transports en commun. Cela passera par le maintien du plus grand nombre possible de gens en télétravail, mais aussi par l’adoption d’horaires de travail décalés.
Il faudra clarifier la distance sécuritaire exigée – le fameux deux mètres. Bien sûr, il faudra établir des postes de travail qui respectent les exigences sanitaires. Mais pourra-t-on être plus près les uns des autres pendant un instant, si tous portent des masques, pour prendre l’ascenseur par exemple?
Les entreprises, et en particulier les PME, dont les ressources sont souvent limitées, devront avoir accès à des protocoles clairs pour permettre la reprise des activités et pour savoir comment elles devront réagir lorsqu’elles apprendront qu’un de leurs employés, devenu contagieux, a pu contaminer son espace de travail.
Ajuster nos modèles d’affaires
La crise actuelle doit nous forcer à revoir nos façons de faire. Toutes les entreprises, en particulier celles qui connaissaient des difficultés avant la crise, doivent prendre le temps de repenser leurs modèles d’affaires. Au cours des derniers jours, nous avons demandé aux banques de se préparer à accompagner les dirigeants qui devront faire pivoter leur entreprise vers de nouvelles approches.
Plusieurs occasions de changement s’offrent aux PME. Comment réussir sa transition numérique, adopter les bonnes stratégies pour développer le commerce en ligne, profiter de l’engouement qui se dessine pour l’achat local? Comment, au sortir de la crise, s’inscrire dans une économie sobre en carbone?
Les gouvernements auront évidemment un rôle à jouer. Mais si nous nous y prenons bien, nous aurons un écosystème plus concurrentiel, plus robuste.
Soutenir la locomotive économique du Québec
Il faudra accorder une attention particulière à certains secteurs.
Les hôtels et les restaurants sont sans clientèle. Les lieux de diffusion culturelle, sans public. Les frontières resteront fermées pendant quelques mois encore. Les touristes, qui affluaient en nombre record année après année, n’atterriront pas cet été. Les gouvernements devront offrir des aides ciblées.
Au cours des prochains mois, nous voudrons relancer nos grands projets structurants. Pour la métropole, on pensera aux projets de transport en commun, à l’agrandissement de l’aéroport Montréal-Trudeau, au terminal Contrecœur du Port de Montréal et au Palais des congrès.
Nous sommes extrêmement confiants dans la résilience de nos entrepreneurs. L’important, c’est de bien nous préparer pour réussir le redémarrage de nos activités et la relance de notre économie.