Texte intégral signé par Isabelle Hudon, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, et publié dans le Voir du 22 novembre 2007.
On a tous les moyens d'être mécènes !
Le Rendez-vous novembre 2007 Montréal, métropole culturelle fut une belle occasion de repenser la relation que nous entretenons à l'endroit de la culture. Et un des éléments clés de cette relation est sans contredit la participation du « privé » entreprises comme individus à son financement.
Clairement, le secteur privé doit faire mieux en ce qui a trait à l'étendue et à l'importance de son appui à la culture. Mais je crois qu'au même titre que l'on déploie d'importants efforts pour démocratiser les arts et la culture, il faut rendre plus « accessible » l'appui aux artistes et aux organismes culturels. Soutenir les arts ne devrait pas être un geste exceptionnel au sens d'exception.Autrement dit, la philanthropie ne devrait pas être perçue comme une contribution réservée uniquement aux grandes entreprises et aux grands mécènes, mais plutôt comme un geste à la portée de tous.
L'idée que je mets de l'avant n'est pas de donner au-delà de nos moyens, bien au contraire. Je crois plutôt que nous aurions avantage à développer nos « réflexes culturels »; une série de petits gestes susceptibles de donner, en définitive, un gros coup de pouce à nos artistes et à nos créateurs. Il y a tellement de manières d'y arriver; il suffit de chercher avec audace et originalité ce que nos moyens nous permettent de faire. Et parce que cette générosité peut s'exprimer de plusieurs façons, on a assurémenttous les moyens d'être mécènes !
La culture du mécénat
Avoir des réflexes culturels, c'est premièrement adopter la culture du mécénat : inclure les arts dans nos habitudes philanthropiques. Faut-il être riche ? Pas du tout ! L'idée, c'est d'abord de participer et, par le fait même, de mobiliser son entourage afin de créer un effet d'entraînement.
J'ai en tête l'exemple d'un couple d'amis, des professionnels de la culture qui ne sont pas particulièrement fortunés, mais qui sont néanmoins des passionnés d'art. Arrivés dans la cinquantaine, ils ont créé un fonds de bourses pour les artistes émergents. En plus d'y verser un montant déterminé chaque mois, ils ont suggéré fortement ! à leurs amis d'y contribuer. Depuis, chaque année, une bourse qui porte leur nom est attribuée à un jeune artiste.
Il n'y a jamais de don ou d'implication qui soit trop modeste et cela s'applique aussi à la culture. Je suis toujours épatée de voir ce que les artistes arrivent à faire avec de très petits budgets. À mon avis, cela démontre à quel point les petits gestes sont importants et à quel point, avec un peu plus d'argent, les miracles qu'ils réalisent pourraient être encore plus renversants !
Consommer de la culture
Un deuxième aspect des réflexes culturels tout aussi important , c'est le fait de consommer de la culture. Les artistes ont autant besoin de publics que de philanthropes. Aussi, je crois que nous pouvons tous faire l'effort de découvrir de nouvelles formes d'art, notamment en encourageant la relève, et de nous adonner le plus souvent possible à des activités culturelles.
Tout cela n'est pas bien sorcier; il suffit de découvrir ses passions artistiques et ce n'est pas le choix qui manque ! pour ensuite les partager avec nos proches. Une belle initiative qu'il m'arrive de proposer aux entrepreneurs, c'est d'intégrer la culture à leurs pratiques d'affaires. Par exemple, lorsque vient le temps de faire des cadeaux corporatifs, j'aime bien offrir des uvres d'art d'ici. En plus d'encourager les créateurs de la métropole, cela me permet de partager et de mettre en valeur mes « coups de cur » montréalais. Pensons-y un instant : si les entreprises achètent souvent des billets sportifs, pourquoi n'achèteraient-elles pas aussi des billets pour des activités artistiques ? Surtout quand on considère que ce type d'abonnement est entièrement déductible d'impôts
Je crois qu'à l'instar de la santé et de l'éducation, la culture représente une préoccupation commune. Elle mérite de susciter notre pleine implication parce qu'elle contribue au mieux-être de la société en lui conférant quelque chose d'inestimable : une identité collective. Ainsi, je vous mets au défi, dès maintenant, « d'affûter » vos réflexes culturels et d'intégrer l'art dans votre vie; autant dans votre routine de consommateur que dans vos habitudes philanthropiques. Et vous savez quoi ? Pour ce secteur, seulement et uniquement, donnons-nous le droit de surconsommer !