Texte intégral signé par Isabelle Hudon, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, et publié dans Le Devoir.
Le 7 avril 2006
Croître ailleurs, c'est aussi croître ici
Lorsqu'on regarde l'importance qu'ont pris les exportations dans notre économie tout particulièrement dans la métropole qui est responsable de 70 % des exportations québécoises , il est plutôt surprenant de se rappeler qu'il y a vingt ans, la négociation d'accords de libre-échange était loin de faire l'unanimité. C'est avec ce souvenir en tête qu'il est intéressant d'aborder cette autre question qui soulève de nombreuses controverses et qui n'en est pas moins importante pour notre prospérité , celle des investissements directs à l'étranger (IDE).
Les IDE réalisés par des entreprises d'ici sont souvent associés à la « délocalisation » d'emplois et considérés par la rumeur publique comme l'une des plus grandes menaces pour la santé de notre économie. D'ailleurs, à intervalles réguliers, les médias ne manquent pas de fournir des exemples saisissants de « l'érosion » de notre masse d'emplois. Après avoir fait de l'exportation de biens et de services le plus grand moteur de notre croissance économique, nos entreprises seraient-elles maintenant devenues des « exportatrices d'emplois » ?
Il y a très peu de certitudes en économie, si ce n'est qu'en cette matière, les explications simples n'expliquent justement pas tout. Ainsi, au-delà des apparences, une analyse rigoureuse des faits tend surtout à démontrer que l'établissement à l'étranger d'activités de production par des entreprises canadiennes constitue
une très bonne nouvelle. Certes, pour tous ceux qui perdent un emploi, un client ou un fournisseur dans le processus, cela n'en demeure pas moins douloureux. Néanmoins, d'un point de vue collectif, il s'agit d'un phénomène qui, même si cela peut aller à l'encontre de nos intuitions, demeure bénéfique. C'est pour cette raison que la Chambre presse aujourd'hui les gouvernements d'aider les PME à établir une présence ailleurs dans le monde et de créer à leur intention un Fonds d'investissements directs à l'étranger un « FIDE ».
Pourquoi ?
Tout cela est d'abord une question de compétitivité et, conséquemment, de survie. En effet, ce n'est pas tout de dire que nos entreprises font face aujourd'hui à une concurrence accrue. Nos compétiteurs se prévalent avec de plus en plus d'efficacité des avantages de mondialiser leurs chaînes d'approvisionnement et de production. Or, par ces IDE, ils parviennent à réduire leurs coûts, à augmenter leur productivité et, en somme, à gagner en compétitivité.
Le grand avantage avec les entreprises compétitives est qu'elles tendent à vivre plus longtemps; même qu'elles sont souvent capables de croître et de créer de la richesse à l'étranger, certes, mais ici aussi. Car les emplois qui demeurent sont souvent ceux qui ont la plus grande valeur ajoutée : le travail de conceptualisation, de création, de recherche et développement, etc. Or, quand l'entreprise réussit à soutenir sa percée mondiale par de judicieux investissements ailleurs dans le monde, ces emplois à forte valeur ajoutée sont plus facilement maintenus ici et de nouveaux peuvent aussi être créés.
Serait-ce un scénario un peu trop optimiste ? Certainement pas nous dit l'OCDE, selon laquelle chaque dollar investi à l'étranger entraîne 2 $ d'exportation additionnelle et un surplus de la balance commerciale de 1,70 $ pour le pays ayant exporté l'investissement. En d'autres mots, investir à l'étranger de façon ciblée augmente effectivement la richesse chez nous chose qu'ont comprise la quasi-totalité des pays industrialisés. En effet exception faite d'un fonds particulier visant le développement de l'Afrique , le Canada demeure jusqu'à nouvel ordre le seul pays du G7 à ne pas avoir de fonds pour appuyer et encourager la réalisation d'IDE.
Si l'enjeu de reconnaître la valeur des IDE est aujourd'hui crucial, celui de fournir les outils pour permettre aux entreprises québécoises de toutes tailles d'en réaliser l'est tout autant. Tout comme nous avons dû investir auparavant dans le soutien à l'exportation, l'heure est venue d'en faire autant en matière d'IDE. Car s'établir à l'étranger peut être aussi difficile sinon plus que d''y vendre ses produits. Les ressources nécessaires sont importantes et cela peut d'ailleurs constituer un obstacle majeur pour les entreprises de petite et de moyenne taille lesquelles comptent justement pour 99 % des entreprises de la région métropolitaine.
Dans ce contexte, deux actions sont vivement attendues : que l'on ait le courage de reconnaître haut et fort la valeur des IDE pour notre économie, et que l'on pose le geste conséquent de mettre en place un outil de financement qui permettrait de les multiplier.
Hyperlien à l'étude :
http://www.ccmm.qc.ca/FIDE (PDF, 4 Mo)