Texte intégral signé par Benoit Labonté, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, et publié dans Le Devoir et Le Journal de Québec. Le 9 décembre 2004 Asymétrie : à tous les niveaux ! Le mot «asymétrique» a profité de l'automne - et d'une conférence des premiers ministres - pour réintégrer le vocabulaire couramment employé pour décrire les relations fédérales-provinciales. Il s'agit d'un retour qui a été particulièrement salué au Québec et associé à l'application réussie de principes de flexibilité et d'efficacité dans la conduite des relations entre les deux paliers de gouvernement supérieurs. Tant d'éloges ont été faits du fédéralisme asymétrique qu'il est tentant de souhaiter que le gouvernement canadien et les provinces aient la générosité d'étendre les bienfaits de l'asymétrie à leurs liens avec les villes du pays. Pourquoi, en effet, les villes ne feraient-elles pas l'objet d'un traitement différencié, adapté à leurs réalités quant à leurs sources de revenus, leurs responsabilités, etc. Bref, l'idée ne serait pas de traiter les villes de différentes tailles de façon inéquitable : il s'agirait, comme pour les relations fédérales-provinciales, d'adapter les façons de faire au contexte particulier de chacune. Ce souhait, nous le formulons tout en étant conscients du contexte peu favorable à cette proposition. Trop souvent, malheureusement, villes et communautés rurales ont tendance à faire l'équation entre traitement différencié et traitement inégal. Ainsi, l'agenda urbain du gouvernement canadien a glissé progressivement des grandes villes vers les villes et les communautés, tandis que le gouvernement du Québec s'obstine à parler de l'importance du développement économique des régions, sans égard, en apparence, au fait que la moitié du PIB québécois provient de la seule région métropolitaine de Montréal - dont le territoire chevauche, en tout ou en partie, cinq «régions administratives». Néanmoins, l'idée d'amener une plus grande asymétrie dans les relations entre les villes et les provinces dont elles relèvent demeure pertinente - et cela pour toutes les communautés d'une province -, tout particulièrement si on l'aborde sous l'angle du rendement. Les agglomérations urbaines, faut-il le répéter encore, sont plus que jamais au cur de la croissance économique et de la création de richesse. C'est dans les villes que tendent à se concentrer le talent et les investissements - ce pour quoi elles se livrent une concurrence de plus en plus vive. Une manifestation très concrète de cette tendance à la concentration est l'endroit où s'établissent les immigrants venant au Canada : pour l'essentiel, ceux-ci limitent leur choix à Toronto, Vancouver et Montréal. Ailleurs ? À peu près rien. | Face à ce nouveau contexte, il y a deux attitudes possibles : faire comme si de rien n'était ou adapter nos stratégies de développement en conséquence. L'asymétrie que nous souhaitons va dans ce sens. La région métropolitaine de Montréal est le moteur économique du Québec. Avec 48% pour cent de la population, nous dit la Communauté métropolitaine de Montréal, la métropole génère 50 % du produit intérieur brut québécois et fournit 25 milliards $ de revenus au gouvernement du Québec - soit environ 55 % des revenus autonomes du gouvernement. En ce sens, Montréal permet de financer des services publics bien au-delà de son territoire. Compte tenu de cette «facilité» montréalaise à créer de la richesse - à l'échelle québécoise, il va sans dire ! -, on pourrait être tenté de conclure que Montréal n'a besoin de rien et que prioriser les régions est effectivement la bonne stratégie à adopter. Malheureusement, du moment où on compare la performance de Montréal à ses semblables - d'Amérique du Nord ou d'ailleurs - la conclusion qui s'impose est plutôt que le Québec ne profite pas assez de sa métropole. En effet, quelle serait la situation des finances publiques québécoises, si le PIB per capita de Montréal se comparait à celui de Toronto ( %) ? Et à celui de Boston (ힾ %) ? Chose certaine, c'est tout le Québec qui en profiterait. Dans ce contexte, il est stupéfiant que la simple idée de faire du développement de la métropole une priorité québécoise soit encore un tabou. Voilà pourquoi le retour en force de «l'asymétrisme» fournit au Québec l'occasion d'en attendre plus de sa métropole, dans la mesure, toutefois, où la province saura enfin - et résolument - lui fournir les outils en conséquence. Par exemple, le gouvernement du Québec aura bientôt à déterminer comment utiliser les sommes provenant de la taxe sur les carburants qui lui seront transférées par le gouvernement du Canada : redistribution sur une base per capita, en fonction des besoins ? Sur la base de la consommation et de l'utilisation du transport en commun ? Dans ce contexte, nous croyons que Québec serait bien avisé de placer la notion de rendement au centre de sa réflexion : quelle méthode en donnera le plus pour l'argent des Québécois ? Cela aura peut-être pour effet de concentrer en certains endroits les cérémonies de premières pelletées de terre... Mais si, en retour, cela permettait à tous les Québécois de profiter de finances publiques plus saines et, pourquoi pas, d'un fardeau fiscal allégé, qui pourrait dire que l'asymétrie manque d'équité ? |