Discours - conférencier :M. Mario Dumont, chef de l'Action démocratique du QuébecRéussir autrement : le changement responsable


Discours prononcé par M. Mario Dumont
Chef de l'Action démocratique du Québec

Le 21 novembre 2002

Réussir autrement : le changement responsable

Distingués membres de la table d'honneur,

Mesdames et messieurs,

 

C'est pour moi un honneur et un plaisir de me retrouver ici à cette tribune. Je remercie la Chambre de m'offrir cette occasion de vous parler des idées autour desquelles un nombre  croissant de québécois se joignent à l'ADQ depuis 8 ans. Je vais débuter par exposer notre vision de l'avenir du Québec, pour revenir ensuite sur la Métropole.

 

Je suis particulièrement fier d'être ici à un moment ou notre parti se bat pour définir les prémisses d'un nouvel agenda politique pour le Québec. Il y a quelques jours, un sondage nous apprenait que 63 % des québécois de 45 ans et moins refusaient d'être étiquetés comme fédéralistes ou souverainistes. Les Québécois sont rendus ailleurs.  Des enjeux nouveaux sont devant nous et requièrent des débats nouveaux et des solutions nouvelles. L'ADQ, c'est justement l'expression populaire de cette volonté de passer à autre chose, d'ouvrir de nouveaux horizons sur de nouveaux enjeux.

 

Au moment où le Québec entre dans une phase de vieillissement de la population, la pression devient considérable sur nos services publics, notamment en santé. Les exemples de cette pression ne manquent pas : urgences qui débordent, listes d'attentes pour les chirurgies, pour les soins à domicile, pour les soins de longue durée. La triste nouvelle, et le Ministre Legault l'a avoué avant-hier, c'est que ce ne sont là que les signes avant-coureurs du choc démographique québécois.

 

Pour bien mesurer la dimension du défi, rappelons qu'un québécois utilise plus de la moitié des soins de santé qu'il va consommer dans sa vie entière, dans la toute dernière année de son existence. Au Québec, le pourcentage de la population âgée de plus de 65 ans va doubler, passant de 12 % à 24 % entre 1996 et 2025. Juste en santé, le manque à gagner sera, selon le Ministre, de 14 milliards de $ d'ici 2020. C'est un gouffre financier.

 

En parallèle, la population active devient proportionnellement moins nombreuse en regard des besoins sociaux que nous devons supporter. La pyramide des âges s'est inversée. On a plus les moyens de gaspiller, de tabletter, d'empiler les structures étatiques et de pelleter les dettes par en avant. Il n'y a  plus d'espace pour la complaisance dans la gestion des affaires de l'État.

 

En sommes, 40 ans après la Révolution tranquille, il faut savoir reconnaître que notre société est parvenue à un autre grand carrefour. Il y a des passages dans l'histoire, où on sent qu'il ne s'agit plus de changer la couleur d'un gouvernement, mais de travailler à des réformes en profondeur sur les modèles, même sur les mentalités et sur la vision de l'avenir. Pour un instant, prenons ensemble un peu de recul.

 

Récemment quelqu'un me posait la question dans une assemblée publique : est-ce que les changements majeurs que propose l'ADQ ne reposent pas sur un constat d'échec de la Révolution tranquille ? Pas du tout. Au contraire. En observant la vie de tous les jours à Montréal comme partout au Québec,  on voit à quel point la Révolution tranquille a été un succès. Nos jeunes sont scolarisés, nous avons des gens d'affaires prospères, des cadres compétents, des multinationales québécoises. Nous sommes bien loin de 1960, cette époque ou tout devait se faire en s'appuyant sur l'État, puisqu'il n'y avait pas d'autres voies.

 

Les Québécois ont su moderniser leurs institutions politiques, s'assurer d'un plus grand contrôle de leur économie, stimuler une vie culturelle riche, originale, puis la projeter à l'échelle internationale, et intégrer les apports d'une population diversifiée à notre vie communautaire et institutionnelle.

 

Face à ces grandes réalisations, j'éprouve un sentiment de fierté et de gratitude.  Nous sommes toutes et tous les héritiers de cette vision courageuse. 

 

Mais cet héritage ne vient pas seul.  Il est accompagné par des obligations.  Nous avons la responsabilité et l'obligation de le faire fructifier, plutôt que de le laisser se dilapider par aveuglement ou par incurie. 

 

C'est en réfléchissant à cette obligation que j'en suis venu à inviter mes concitoyens à passer à une étape nouvelle dans le cheminement historique du Québec.  C'est ce que j'appelle le changement responsable.

 

Justement parce que nous avons réussi, parce que la planète à continué de tourner, et que des défis nouveaux, importants, se présentent à nous, je crois qu'il est devenu urgent de changer les choses. Si, au début des années 60, il a bien fallu utiliser l'État comme levier de développement, une fois cette œuvre accomplie, il faut avoir la sagesse de passer à la prochaine étape et de redonner l'initiative de choisir aux individus, aux citoyens. Redistributeur, accompagnateur, l'État a toujours un rôle à jouer, mais autrement.

 

Il faut cesser de croire que toutes les bonnes décisions ne peuvent être prises à l'extérieur des tours à bureaux de Québec. Notre peuple est éduqué. Il est capable de faire des choix. Il peut décider ce qui est bon pour sa famille, pour sa région, pour l'école de son quartier.

 

Un gouvernement de l'ADQ souhaite s'appuyer sur des valeurs semblables dans tous les domaines, en santé, en éducation, de même que dans le dossier de la réforme de la fonction publique. Plus de pouvoirs pour les citoyens et plus de choix pour les utilisateurs de services publics. La fin des monopoles d'État.

 

Plus de liberté dans l'offre de services publics. Plus d'autonomie aux directeurs d'établissements en santé, en éducation. La fin de la bureaucratie étouffante. Plus de liberté pour tous. La fin du nivellement par le bas.

 

Ce n'est pas responsable d'ajouter sans fin des milliards dans la santé, sans revoir ni repenser les modèles et nous conduire à ce que plus de la moitié des dépenses publiques du Québec y soient englouties.

 

Ce n'est pas responsable de suggérer d'augmenter encore plus les impôts.

 

Ce n'est pas responsable de laisser accroître la dette. Saviez-vous que depuis l'atteinte du déficit zéro en 1998, la dette est passé de 98 à 107 milliards. Étonnant non ?

 

Ce n'est pas responsable non plus de laisser sortir de nos écoles près de 40 % de nos jeunes sans aucun diplôme.

 

Pas responsable de laisser nos cerveaux quitter le Québec et de mettre la priorité sur les chicanes de drapeaux.

 

Pas responsable de continuer à engraisser des structures étatiques et à créer de nouveaux monopoles d'État alors qu'on vit déjà au-dessus de nos moyens.

 

Je vous résume cela : arrêter d'hypothéquer la prochaine génération pour essayer d'acheter la prochaine élection. C'est cela le changement que propose l'ADQ et j'appelle cela le changement responsable.

 

Mais à quoi ressemblerait le Québec si on s'engageait maintenant dans le changement responsable ?

 

Tout d'abord, les utilisateurs de services publics — c'est-à-dire à peu près tout le monde — auraient plus de choix. C'est introduire une saine concurrence qui va garantir que les citoyens vont être traités comme des clients et pas comme des numéros. Pour les parents, cela représenterait une liberté accrue dans le choix du mode de garde et de l'école de leurs enfants, plutôt que de se faire proposer un modèle unique et monolithique. En misant sur l'autonomie du citoyen, on lui redonne ce pouvoir de choisir et d'être le client, tout en maintenant le financement public et l'accessibilité. L'état joue son rôle autrement.

 

Deuxièmement, le changement responsable accroîtrait l'autonomie des infirmières, des médecins, des enseignants et de tous les autres serviteurs du public. En leur redonnant le droit d'initiative et en récompensant mieux leurs efforts, le changement responsable libérerait le talent et le pouvoir d'initiative des cadres et professionnels des réseaux. Cela amènerait la pleine utilisation des ressources dans le système de santé. C'est en redonnant aux gens, dans chaque milieu professionnel, l'autonomie nécessaire pour relever les défis auxquels ils sont confrontés qu'on pourra enfin balayer la morosité ambiante et restaurer le plaisir associé au service public.  L'État joue son rôle, autrement.

 

Pour les contribuables, la suppression des monopoles et la création de marchés concurrentiels dans les services publics représenteraient une productivité améliorée et réduiraient le coût des services publics. C'est ainsi qu'on peut ouvrir la porte à une baisse du fardeau fiscal et à une hausse du revenu disponible.

 

Le changement responsable, c'est gouverner le Québec, gérer nos finances publiques, nos ressources naturelles, notre environnement en pensant au long terme, à l'avenir de nos enfants.

 

Le changement responsable, c'est aussi unir les Québécois de toutes origines derrière un objectif fort de prospérité économique. Cela veut dire un État moins lourd, une fiscalité d'autant moins étouffante, une réglementation allégée et à ce chapitre, je répète devant vous que je vais mettre en application les recommandations du rapport Lemaire sur la simplification de la réglementation aux entreprises.

 

Voici en quelques lignes, les éléments-clé d'un signal puissant pour réaliser le plein potentiel économique du Québec. Parlant de fort potentiel économique, revenons maintenant à la Métropole.

 

Avec 2 millions d'habitants et près de 3,5 millions de personnes dans sa zone métropolitaine, la région de Montréal est la dixième en importance en Amérique du Nord.

 

Montréal est un carrefour économique, culturel et scientifique unique au Québec. Un secteur industriel fort, une nouvelle économie qui émerge, une vie culturelle intense,  un pôle de recherche scientifique, voilà autant de facettes de notre Métropole qui est aussi résolument tournée vers le monde.

 

C'est en soi une force pour le Québec de pouvoir compter sur une agglomération urbaine dynamique qui se distingue dans l'arène des grandes villes du monde. Plusieurs états américains ou provinces canadiennes ne possèdent pas cette ville capable de rassembler la masse critique suffisante pour créer un pôle à l'échelle continentale. Au Québec, nous avons cette ville et c'est notre responsabilité collective de la faire prospérer.

 

À l'ère de l'économie du savoir et de la disparition des barrières douanières, les villes-régions sont appelées à jouer un rôle moteur dans la prospérité des économies nationales. De par sa capacité de développer des masses critiques dans des secteurs d'activités stratégiques, Montréal, notre ville-région, constitue un atout inestimable pour permettre au Québec de se positionner avantageusement sur l'échiquier économique et politique mondial.

 

Sur ce plan, tous doivent comprendre que Montréal n'est pas en compétition avec Rivière-du-Loup, mais en complémentarité. Montréal est en compétition directe avec Boston, Toronto, Philadelphie. Quand Boston gagne, le Massachusetts gagne. Quand Toronto gagne, l'Ontario gagne. Quand Philadelphie gagne, la Pennsylvanie gagne. Et quand Montréal gagne c'est le Québec qui gagne. Montréal a un rôle d'attraction continental pour le Québec.

 

Mais Montréal, c'est aussi une série de réalités particulières. C'est d'abord une terre d'accueil pour les immigrants et tout le défi de l'intégration que cela suppose, notamment pour l'école montréalaise. C'est également un lieu où un grand nombre de personnes qui souffrent d'exclusion trouvent refuge.

 

C'est aussi la congestion routière qui exerce une pression négative sur la capacité de la ville d'assurer son développement économique et de maintenir sa qualité de vie. Ce sont également des infrastructures vieillissantes qui nécessitent des investissements massifs.

 

Dans cette perspective, il est primordial que le pôle continental du Québec qu'est Montréal puisse compter sur une alliance solide avec le gouvernement du Québec.

 

De par son rôle de principale porte d'entrée internationale, son ouverture sur le monde et sa taille, Montréal vit  chez nous une réalité tout à fait unique. Dans l'intérêt du Québec et de toutes ses régions, il est primordial que le gouvernement du Québec change de cap et travaille désormais main dans la main avec sa métropole. Voilà ce que veut dire le changement responsable pour Montréal.

                                                                                                          

Les traditionnels conflits politiques doivent faire place à une vision partagée du rôle fondamental de Montréal pour le Québec. Entre le gouvernement du Québec et Montréal, nous devons passer à une véritable alliance stratégique.

 

Pour nous à l'ADQ, cette nouvelle alliance doit s'articuler  autour de trois axes fondamentaux.

 

·        Miser sur la créativité des milieux;

 

·        Décentraliser pour permettre des modèles d'intervention spécifiques;

 

·        Consolider la nouvelle grande ville.

 

Un, miser sur la créativité des milieux

 

La première ressource de Montréal, c'est d'abord les gens qui y habitent, qui y vivent et qui y travaillent. C'est par leur travail, leur talent et leur créativité que Montréal innove, se réinvente sans cesse et rayonne à travers le monde. Que ce soit dans le domaine scientifique, technologique ou culturel, Montréal performe parce que des individus performent en développant  leurs idées ici. Comme gouvernement, c'est notre devoir de créer les conditions propices au développement de ce capital humain. Comme société, nous avons besoin de la contribution de tous.

 

Miser sur la créativité des milieux, cela signifie aussi  miser sur la diversité culturelle de Montréal. Quand on constate la faible présence des membres des communautés culturelles dans les administrations publiques, on doit se demander comme société si nous misons vraiment sur le talent de tous les Québécois. Nous voulons corriger cela, et de plus, je peux déjà affirmer que la prochaine équipe de candidats de l'ADQ comptera plus de joueurs de ces communautés que jamais avant.

 

Vous savez, les fils et les filles du Québec ne s'appellent pas que Charles ou Juliette, ils s'appellent aussi Thasso, Maria, Mohamed,  Felipe ou Loan. Eux aussi sont nos enfants et nous devons tous mettre en œuvre pour qu'ils contribuent pleinement à l'essor du Québec. Comme gouvernement et comme société, nous avons le devoir de s'assurer qu'ils viennent apporter leur créativité, leurs idées et leur énergie à bâtir le Québec d'aujourd'hui et de demain

 

Deux, décentraliser pour permettre des modèles d'intervention spécifiques

 

Au cœur même de la vision politique de l'ADQ, il y a cette volonté farouche de rejeter le mur à mur et de miser sur la différence. Nous l'avons évoqué plus tôt, Montréal possède des réalités qui n'appartiennent qu'à elle. Qu'il s'agisse de l'école montréalaise, de la congestion routière, de la crise du logement ou du défi de la diversité culturelle, Montréal doit composer avec des enjeux qui lui sont uniques. Si au sommet des régions, on réclamait une décentralisation de pouvoirs et de moyens, cette décentralisation est tout aussi nécessaire pour Montréal. Sur cette base, les leaders de Montréal vont  pouvoir s'engager résolument  sur des modèles d'interventions spécifiques à Montréal, des modèles capables de répondre aux besoins de la communauté montréalaise.

 

Trois, consolider la nouvelle grande ville

 

En allant de l'avant avec le projet « une île  une ville » et en créant du même souffle la Communauté Métropolitaine de Montréal, le gouvernement du Québec a doté sa métropole d'une base solide de développement. Dès le départ, l'ADQ a supporté la nécessité de cette réorganisation. Les structures sont maintenant en place mais le débat n'est certainement pas clos.

 

D'abord il y a ceux du PQ qui se disent satisfait. Comme d'habitude, ils ont bien pensé les structures, mais oublié tout le reste, surtout les contribuables.

 

Puis il y a les autres, ceux qui proposent la défusion,  qui veulent remonter le courant,  créer des faux espoirs, canaliser les énergies pour retourner dans le passé.

 

Puis il y a l'ADQ qui considère que l'énergie doit être dirigée à consolider la métropole parce que le travail n'est ni bien fait, ni terminé. Il ne faut pas défusionner, il faut améliorer. Il faut continuer à bâtir. Que reste-t-il à faire ?

 

Un, la fusion doit maintenant bénéficier aux contribuables, ce qui signifie un rééquilibrage de nos lois du travail.

 

Deux,  c'est de changer cette culture de méfiance et de contrôle et de miser sur l'imputabilité des élus locaux.  Les administrations locales sont compétentes. Je crois qu'il est temps de donner un véritable sens à la notion d'imputabilité. Cela s'appelle faire confiance,  cela s'appelle miser sur le talent et la créativité.

 

Trois, il faudra faire preuve d'ouverture pour régler le problème financier structurel de Montréal. Cette question traîne dans le  paysage politique montréalais  depuis au moins les quinze dernières années. Année après année, la confection du budget municipal devient une problématique de plus en plus insoluble et qui se règle généralement par des solutions ponctuelles et évidemment inefficaces dans une perspective de long terme.

 

Pour Montréal, c'est cela le changement responsable.

 

En conclusion, j'estime que pour continuer de grandir, une société comme la nôtre ne peut se permettre de tergiverser bien longtemps. D'ailleurs, avant que le vent de la Révolution tranquille ne se lève, le Québec n'a-t-il pas connu une période d'immobilisme qui s'est étirée, étirée, étirée ? Ne répétons pas la même erreur.

 

Le bilan s'impose, et nous ne devons pas reculer devant les remises en question. Il faut maintenant aller plus loin, faire grandir le Québec encore. Il faut donc redéployer l'État du Québec, locomotive de la période antérieure, pour lui permettre de rester en phase avec l'évolution de l'ensemble de la société et celle du milieu international.

 

Il n'y a pas d'alarme plus retentissante sur la nécessité de faire des changements, que l'exode des cerveaux. Quand des médecins, des ingénieurs, des informaticiens, des jeunes Québécois prennent la décision que leur avenir est ailleurs, que notre Québec n'offre pas les opportunités d'épanouissement, il faut entendre ce signal. J'ai la conviction qu'un Québec qui libère le talent, où on décloisonne les possibilités, où la fiscalité est concurrentielle, où les opportunités se multiplient, va complètement changer la dynamique. Les Québécois qui nous ont quitté ont tous un coin du cœur bien accroché à l'atmosphère du centre-ville, à la Place-des-Arts, la rue St-Denis ou la rue St-Laurent, à voir jouer les Canadiens et les Alouettes. Non seulement je rêve d'arrêter le mouvement de ces jeunes qui quittent le Québec, mais j'ai la certitude que la décision d'aller vers un changement responsable, de mettre le cap sur la prospérité et de créer des opportunités économiques nouvelles va être entendu et va faire dire à ceux qui nous ont quittés « Retournons chez nous, c'est là que ça se passe&nbs

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