Discours prononcé par M. Alban D'Amours
Président, Mouvement des caisses Desjardins
Le 17 octobre 2000
(N.B. : seule l'allocution prononcée fait foi)
Monsieur le président de la Chambre de commerce,
Mesdames,
Messieurs,
Distingués invités,
Il y a 94 ans, ça se passait précisément le 7 novembre 1906, un homme s'est présenté à cette tribune. Il disait ceci :
«Il n'y a pas que les travailleurs manuels, soit de l'industrie, soit du sol, qui aient besoin de crédit (...); il y a aussi une classe très intéressante de petits commerçants, d'humbles industriels, de modestes entrepreneurs dont la surface financière ne leur permet pas d'avoir accès aux grandes banques où vont s'approvisionner leurs confrères assez bien pourvus pour y jouir d'un compte courant. À tous ceux-là aussi, la coopérative offre un concours des plus précieux.»
Cet homme, vous l'avez peut-être deviné, c'est Alphonse Desjardins, un Québécois francophone, originaire de Lévis, qui a donné naissance à un vaste mouvement financier coopératif -- le Mouvement Desjardins au Québec, les credit unions ailleurs en Amérique du Nord -- dont les actifs combinés dépassent aujourd'hui les 500 milliards $ US.
Six ans après la fondation de la première caisse, M. Desjardins était en quête d'une loi fédérale qui viendrait encadrer les activités des caisses. Il venait ici, à la Chambre de commerce de Montréal, chercher des appuis. Car il était hardi ce M. Desjardins : il fondait des caisses avant même que ces dernières aient une reconnaissance juridique officielle.
Et il était aussi convaincant. Après sa visite, le conseil d'administration de la Chambre vota en effet une résolution d'appui au projet de loi " concernant les sociétés coopératives et industrielles " alors à l'étude à Ottawa.
Mais, comme vous le savez, les choses ne sont pas toujours simples en politique. Le projet de loi, après avoir été adopté à l'unanimité par la Chambre des Communes, fut défait au Sénat. Des objections, notamment de nature constitutionnelle, furent soulevées. Les sociétés coopératives se développent depuis lors sous la juridiction exclusive des provinces.
Faisons maintenant un saut dans le temps, jusqu'aux décennies 40 et 50. Le Mouvement Desjardins connaît alors un essor fulgurant, qui se traduit par la fondation de plus de 700 nouvelles caisses au Québec. Saviez-vous qu'à cette époque, le nombre de caisses augmente aussi de façon significative à Montréal ? Près de 120 caisses sont en effet fondées pendant ces deux décennies dans l'Île de Montréal et l'Île Jésus.
Cette période coïncide d'ailleurs avec le renforcement de la capacité financière du réseau des caisses. Cela leur permet de contribuer largement au financement de la vague de construction domiciliaire qui touche l'ensemble du Québec dans les années 50. Dès la décennie suivante, le Mouvement Desjardins s'impose en tant que premier prêteur hypothécaire au Québec dans le secteur résidentiel. Et encore aujourd'hui, dans un marché très compétitif, il conserve cette première place avec une part de marché de 38 %.
Le Mouvement Desjardins a également pris part de façon très active à la grande période d'effervescence qu'a constitué au Québec la Révolution tranquille. À cette époque, il acquiert lui-même des sociétés. C'est le cas pour La Sauvegarde, une compagnie d'assurances, dont le siège social était situé sur la rue Notre-Dame, à deux pas de l'hôtel de ville de Montréal. C'est le cas aussi pour la Fiducie du Québec, aujourd'hui devenue Fiducie Desjardins.
Le Mouvement Desjardins investit également, en 1963, le tiers du capital initial de la Société Générale de Financement.
Les décennies suivantes le verront élargir encore son champ d'action et renforcer sa participation au développement économique.
Desjardins a donc joué un rôle significatif dans l'économie québécoise du XXe siècle, y compris ici à Montréal. En témoigne d'ailleurs le Complexe Desjardins lui-même, qui depuis plus de 25 ans, symbolise sa présence au coeur de la métropole québécoise.
Prêt pour le XXIe siècle
Fort de ses 100 ans de développement et de progrès, Desjardins amorce aujourd'hui le XXIe siècle de pied ferme. Les dernières années ont été pour lui d'intenses années de préparation. Vous avez certainement eu vent, par la voie des médias ou autrement, du vaste processus de transformation dans lequel Desjardins s'est engagé.
Cette transformation touche autant l'offre de services des caisses, leur déploiement sur le territoire, que les structures du Mouvement. Elle s'accompagne d'un formidable effort des employés au plan de la formation. Depuis plusieurs années, le pourcentage de la masse salariale consacré à la formation dans Desjardins est de 4 à 5 fois supérieur à ce qui est prescrit par la Loi 90. Il en sera ainsi pour plusieurs années encore.
Les différentes sociétés filiales, étroitement associées à l'offre de service des caisses, représentent également un atout important pour la croissance future du Mouvement Desjardins. C'est le cas notamment pour le secteur de l'assurance qui, en plus de son potentiel de développement au Québec, va permettre à Desjardins d'accentuer sa présence hors-Québec. L'acquisition des filiales en assurances de dommage de la CIBC représente une avancée en ce sens.
Dans les fonds de placement et les valeurs mobilières, Desjardins prend graduellement le terrain qu'il n'occupait pas encore ou très peu il y a une décennie. Parmi les initiatives récentes en ce domaine, soulignons le partenariat conclu entre notre gestionnaire de fonds Canagex et la firme Sanford C. Bernstein. Ce partenariat va nous permettre de déployer ici, à Montréal, une expertise de classe mondiale en gestion de placements.
Le Mouvement Desjardins est depuis longtemps, par son enracinement et ses parts de marché, l'institution financière principale des Québécois et des Québécoises. Avec la force conjuguée des caisses et des filiales, Desjardins possède aujourd'hui tous les outils qui lui permettront d'atteindre un objectif encore plus ambitieux : devenir le principal gestionnaire du patrimoine financier des Québécois et des Québécoises.
Une plus grande implication dans le développement d'affaires
Outre son engagement à faire fructifier les avoirs de ses membres, Desjardins veut aussi aider le Québec à poursuivre sa quête de mieux-être et de prospérité économique. Comment le fera-t-il ?
Il le fera en prenant une plus large place dans le financement des entreprises et en accompagnant ces dernières tout au long de leur croissance, y compris lorsqu'elles atteignent une plus grande taille et que leur horizon s'élargit. Au cours des dernières années, les caisses ont mis sur pied des centres financiers aux entreprises, communément appelés CFE, pour mieux servir leur clientèle d'affaires. Dans la grande région de Montréal, les directeurs de compte sont aujourd'hui regroupés au sein de 13 CFE.
Desjardins fera aussi le plein de grands partenaires qui sont motivés, comme lui, par les besoins de développement du Québec. Ces partenaires, avec qui des rapprochements se concrétisent à ma satisfaction, sont autant les gouvernements, les grandes entreprises, les sociétés telles la SGF ou la Caisse de dépôt et placement du Québec, que les centrales syndicales ou les organismes intéressés à construire le Québec de demain.
Desjardins encouragera également les gens d'affaires à s'impliquer dans le développement économique et social de leur milieu.
Et il contribuera à identifier et supporter des occasions de développement régional, en maillage avec l'effervescence que connaît la métropole.
Le renouveau de Montréal
La dernière décennie, comme vous le savez, a été pour Montréal l'occasion d'un nouveau départ. Nous le sentons d'ailleurs dans notre réseau de caisses. L'amélioration marquée et régulière des résultats des caisses affiliées à la Fédération de Montréal et de l'Ouest-du-Québec au cours des dernières années n'est pas étrangère, en effet, à la revitalisation de l'économie de la métropole.
Les dirigeants, dirigeantes, gestionnaires et employés de ces caisses ont bien sûr travaillé très fort pour obtenir des résultats qui sont aujourd'hui supérieurs à la moyenne du Mouvement Desjardins. Il faut souligner à cet égard le leadership du président de la fédération, M. Jocelyn Proteau, que vous connaissez bien.
Stimulée par les secteurs d'activité liés à la nouvelle économie, Montréal est aujourd'hui en train de s'affirmer comme une grande métropole nord-américaine. Comptant à elle seule pour 50 % du PIB québécois, la grande région de Montréal devient un important pôle de développement, qui a un effet d'entraînement sur tout le Québec.
Desjardins entend bien sûr encourager et soutenir ce nouvel essor économique, y compris en accompagnant les entreprises oeuvrant dans de nouveaux secteurs d'activité. Peut-être ne le saviez-vous pas, mais notre filiale de capital de développement, Investissement Desjardins, a pris le virage de la nouvelle économie depuis plusieurs années déjà. Plus de la moitié de son portefeuille est aujourd'hui associé à des entreprises oeuvrant dans des secteurs à fort contenu technologique.
Best-Seller et Silanis, dans le domaine du logiciel, Technologies Miranda, dans celui des télécommunications comptent parmi les entreprises de la région auxquelles nous sommes aujourd'hui fiers d'être associés plus particulièrement.
Les vastes perspectives ouvertes par le commerce électronique
Dans le spectre des activités aujourd'hui en forte croissance, le commerce électronique est certes appelé à tenir une place importante.
La généralisation de l'accès à Internet définit en effet un nouveau support transactionnel pour les entreprises et les consommateurs.
Pour nous Québécois, ce secteur en émergence recèle un vaste potentiel de nouvelles affaires et de nouveaux emplois. Son développement représente un enjeu économique important, qui concerne aujourd'hui tous les partenaires socio-économiques : l'État, vous les gens d'affaires, les institutions financières, les consommateurs.
Ainsi, par l'adoption rapide de la législation présentement à l'étude, le gouvernement du Québec mettra en place l'environnement légal assurant la validité de toutes transactions réalisées par le biais des nouvelles technologies de l'information, tout en veillant à la protection des consommateurs. Ce sont là des conditions nécessaires au développement du commerce en ligne.
Les grandes entreprises, par leurs relations avec de nombreux clients et fournisseurs, sont pour leur part appelées à exercer un effet d'entraînement en ce qui touche le déploiement de ce mode de transaction.
Quant aux institutions financières, Desjardins y compris, c'est par une offre de services qui soit à la fine pointe de la technologie et du savoir-faire que je vois leur contribution la plus significative. Leur expertise particulière permettra d'assurer la complète sécurité et fiabilité des services offerts, ainsi que leur disponibilité en tout temps.
Desjardins a d'ailleurs une longue expérience en cette matière. Cette expérience remonte en fait à l'Exposition Universelle de 1967, alors que la caisse présente dans l'Île Ste-Hélène était la première au Canada à expérimenter le télétraitement des transactions.
Cette première expérience allait quelques années plus tard permettre le traitement informatique des opérations des membres dans toutes les caisses du réseau et permettre également des transactions inter-caisses. Desjardins a ainsi, pendant une bonne partie des années 70, pu bénéficier d'une avance technologique appréciable sur tous ses concurrents.
Le leadership technologique de Desjardins s'est exprimé depuis ce temps de diverses façons. Peut-être vous rappelez-vous le déploiement des guichets automatiques, à partir du début des années 80 et, quelques années plus tard, celui du paiement direct, pour lequel Desjardins a été un véritable pionnier au Canada ? Nous continuons aujourd'hui dans la même veine avec l'expérimentation du porte-monnaie électronique Mondex, actuellement en cours dans la région de Sherbrooke.
En décembre 1996, Desjardins était aussi le premier, au Québec, à permettre à ses membres de réaliser des transactions par l'intermédiaire de son site Internet. Aujourd'hui, les membres réalisent 4 millions de transactions par mois sur le site Web de Desjardins, un nombre qui double à tous les ans.
Des partenariats stratégiques nous permettent de continuer à enrichir l'offre de services électroniques à nos membres. L'un de ceux-là, conclu récemment avec Bell et Hydro-Québec, concerne la gestion des réseaux de télécommunications. Un autre, réalisé avec quelques grandes banques canadiennes et BCE Emergis, concerne pour sa part l'approvisionnement électronique. D'autres ententes seront annoncées dans un proche avenir.
Les services que nous travaillons à mettre au point auront aussi pour but de faciliter le commerce inter-entreprises, ce qu'on appelle, dans le jargon désormais consacré, le «B2B» ou «business-to-business». Cela, sans négliger les outils permettant aux entreprises d'offrir des services électroniques de qualité à leur clientèle de détail.
Nous voulons et nous allons contribuer à faire de l'explosion du commerce électronique, un atout dont vous, les gens d'affaires, pourrez profiter.
Conclusion
Alphonse Desjardins disait aux entrepreneurs, au tout début du siècle, que la coopérative pouvait «leur offrir un concours des plus précieux». Depuis ce temps, les caisses ont bien prouvé qu'il disait vrai. Elles n'ont en effet jamais ménagé leurs efforts pour évoluer avec leurs membres, particuliers et entreprises, au cours des 100 dernières années.
Et je veux aujourd'hui vous assurer d'une chose, c'est qu'elles entendent continuer à le faire tout au long du XXIe siècle. La force financière que représente près de 77 milliards $ d'actif, appuyés sur un capital de 4,8 milliards $, servira longtemps encore à stimuler l'essor de notre économie et le développement de nos entreprises.
Le Desjardins d'aujourd'hui, c'est un Desjardins qui croit toujours à la pertinence de sa mission, à la fois sociale et économique, à l'échelle du Québec. C'est un Desjardins qui entend demeurer pleinement coopératif et, fort de ses valeurs, être l'institution financière la plus humaine au Québec.
C'est aussi un Desjardins ouvert sur l'avenir, sur vous, à l'affût des occasions d'affaires et des partenariats qui s'avéreront générateurs d'un nouveau potentiel de développement pour nos milieux.