Discours - conférencier : M. Alban D'Amours, président et chef de la direction, Mouvement des caisses Desjardins Les défis du Québec contemporain : des responsabilités majeures pour les leaders et les chefs d'entreprise


Notes pour une allocution de

M. Alban D'Amours,
président et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins

devant les membres
de la Chambre de Commerce de Montréal Métropolitain

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« LES DÉFIS DU QUÉBEC CONTEMPORAIN : DES RESPONSABILITÉS POUR LES LEADERS ET LES CHEFS D'ENTREPRISE »

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Montréal, le 19 octobre 2004
(La prestation peut différer du texte ci-joint)


Mesdames,
Messieurs,

C'est pour moi un plaisir et un honneur d'être aujourd'hui l'hôte de la communauté d'affaires montréalaise et je veux d'abord vous remercier de votre accueil.

J'ai eu, au cours des dernières semaines, le privilège de rencontrer plusieurs d'entre vous dans le cadre de la présente campagne Centraide du Grand Montréal, que je co-préside avec M. Brian Edwards. Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour vous renouveler notre invitation à contribuer au succès de cette campagne et remercier sincèrement tous ceux qui l'ont déjà fait ou qui le feront dans les prochaines semaines.

Comme vous le savez tous, s'est tenu la semaine dernière, dans la région de Québec, le Forum des générations qui a rassemblé près d'une centaine de leaders socioéconomiques et de représentants de la société civile. En tant que membre du comité consultatif sur l'état des finances publiques et les changements démographiques, j'ai pris part avec beaucoup d'intérêt aux délibérations de ce forum.

D'un tel exercice ne peut bien sûr pas émerger la solution à tous les problèmes. Les participants et les représentants du gouvernement ne s'en sont pas moins entendus pour que soient amorcées, soit immédiatement, soit à la suite de travaux supplémentaires, un certain nombre d'actions en réponse aux défis identifiés.

En fait, l'un des plus grands mérites de ce type de démarche est qu'elle nous pousse à faire une évaluation sans complaisance de notre situation collective, à prendre la mesure d'enjeux réels qui devront éclairer nos futures décisions.

Cela s'apparente d'ailleurs à ce que font les entreprises qui sont soucieuses de leur pérennité. Vous savez en effet, en tant que gens d'affaires, à quel point les capacités d'anticipation et d'adaptation ainsi qu'une saine gestion des risques sont capitales pour le développement à long terme de nos entreprises respectives. Il n'en va pas autrement selon moi des choix collectifs que nous avons à exercer.

Nous sommes aujourd'hui tous concernés par les défis reliés à la démographie, aux finances publiques et à un environnement économique mondial en pleine évolution. Et ce que nous ferons, ensemble, pour relever ces défis aura des incidences considérables sur la performance économique du Québec et le niveau de vie futur de la population.

Avec le Forum des générations, le dialogue social a été renoué et nous pouvons nous en réjouir. Mais il n'en faudra pas moins, dans un horizon rapproché, apporter aussi de vraies réponses aux questions les plus difficiles. Les générations montantes, nous ne devons pas l'oublier, sont en droit de s'attendre à ce que nous leur léguions un héritage qui leur permettra à leur tour de construire l'avenir comme elles l'entendent.

Des bouleversements démographiques majeurs à venir

Parce que cet enjeu est à mes yeux incontournable, permettez-moi ici un bref rappel à propos de l'évolution prochaine de notre population. L'arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, jumelée à la forte baisse de la natalité qui est en cours chez nous depuis la fin des années soixante, entraînera un déclin de la population en âge de travailler dès le tournant de la prochaine décennie. Alors que la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus avoisine présentement les 12 %, elle aura doublé à 24 % dans moins de 30 ans. Le ratio de près de 5 travailleurs pour un retraité, qui reflète la situation actuelle, approchera alors deux pour un.

Cet important retournement, allié à une plus longue espérance de vie chez les retraités, aura un impact majeur tant sur les revenus fiscaux du gouvernement que sur les dépenses publiques entraînées par le vieillissement. Les économistes Pierre Fortin et Marc Van Audenrode, respectivement de l'UQAM et de l'Université Laval, calculent que d'ici 20 ans, le manque à gagner sera de 10 milliards de dollars annuellement.

Comme les dépenses publiques pour une année donnée sont financées par les ressources fiscales prélevées pendant la même année, on mesure le défi auquel nous serons confrontés dans à peine deux décennies. Si boucler le budget représente déjà un casse-tête en cette période où la conjoncture démographique est plus avantageuse, on peut certes se demander quelles charges fiscales additionnelles il faudra dès lors imposer à des travailleurs qui seront beaucoup moins nombreux qu'aujourd'hui pour assumer une facture supplémentaire de 10 milliards $.

Ce constat, pour préoccupant qu'il soit, ne doit pas nourrir une attitude fataliste. Il doit, tout au contraire, nous inciter à proagir. Et cela s'impose particulièrement à l'égard du redressement des finances publiques.

Le défi des finances publiques

On sait que le Québec affiche actuellement la plus forte dette parmi toutes les provinces canadiennes par rapport à la taille de son économie. À 115 milliards de dollars, cette dette équivaut en effet à un peu plus de 44 % de son PIB.

Même depuis l'atteinte officielle du déficit zéro il y a 6 ans, la dette du gouvernement du Québec a continué à augmenter, de plus de 15 milliards de dollars supplémentaires et ce, du fait que certains grands projets d'immobilisation sont désormais amortis sur les années à venir.

Dans le contexte démographique qui nous attend, il est absolument impensable de laisser les choses se détériorer encore. D'autant plus que nous bénéficions depuis quelques années de taux d'intérêts fort avantageux et que leur remontée prévisible - d'ailleurs déjà amorcée - va peser lourd sur le service de la dette, actuellement de 7 milliards de dollars par année.

Nous devons - cela ne fait pas de doute dans mon esprit - stopper l'endettement de l'État. Pour que le poids des obligations financières ne devienne insoutenable pour les générations montantes, il ne sera pas suffisant de nous contenter de la réduction du ratio de la dette par rapport au PIB qui découlera du seul fait de la croissance économique. Il faudra prendre des mesures actives pour accélérer cette réduction.

Nous comptabilisons différemment depuis quelques années les emprunts destinés aux investissements dans les infrastructures de ceux servant à financer les dépenses de programmes. Alors que les générations futures bénéficieront aussi des infrastructures que nous mettons en place ou que nous modernisons aujourd'hui, elles ne devraient pas en revanche avoir à payer pour les services que notre génération s'est offerts et a déjà consommés.

À ce sujet, j'ai, à l'occasion du Forum, invité le gouvernement à étudier une hypothèse de travail, envisageable à mon avis lorsque nous aurons résolu la question du déséquilibre fiscal.

Nous avons au Québec un potentiel énergétique considérable, qui peut être développé encore et qui, d'une certaine façon, appartient au patrimoine des générations. Déjà ce patrimoine procure une rente importante aux Québécois et aux Québécoises - rente que nous nous approprions en quelque sorte pour nos besoins actuels lorsque Hydro-Québec verse une partie de ses profits au fonds consolidé de la province. Ne serait-il pas plus légitime d'utiliser à tout le moins une partie significative de cette rente pour le remboursement de la dette - celle qui est relative aux dépenses de programme - et dégager ainsi des marges de manœuvre qui serviront aux générations futures ?

Car soyons réalistes : la réduction de la dette publique ne se fera pas sans que nous nous imposions une réelle obligation de résultat mesurée par des indicateurs de performance, sans réévaluation sérieuse de nos choix budgétaires et, de toute évidence, sans une grande ouverture d'esprit de notre part à tous envers le changement.

Pour l'instant, je comprends des conclusions du Forum que l'idée de renoncer à une baisse généralisée des impôts a fait son chemin. Je souhaite ardemment que la marge budgétaire qui pourrait ainsi être dégagée soit utilisée à bon escient dans un souci d'équité inter-générationnelle.

Cela dit, notre volonté de maintenir la compétitivité à long terme de notre régime fiscal rend tout à fait légitime l'objectif des baisses éventuelles d'impôts, qui pourront être envisagées lorsque la situation des finances publiques sera mieux contrôlée.

Le défi de l'innovation et de la productivité

Dans la conjoncture démographique et financière particulièrement difficile qui est la nôtre, la prospérité économique future du Québec va reposer en grande partie sur sa capacité à relever le défi de l'innovation et de la productivité. Ce défi, qui prend une acuité supplémentaire avec le renforcement marqué du dollar canadien vis-à-vis sa contrepartie américaine, nous interpelle tout particulièrement en tant que gestionnaires et chefs d'entreprises.

C'est la croissance de la productivité qui explique près de la moitié de la hausse qu'a connu le PIB du Québec au cours des 20 dernières années, la croissance de la population active expliquant l'autre moitié. Dans un contexte où le nombre de personnes en âge de travailler connaîtra une diminution marquée, les économistes de Desjardins ont calculé que la croissance économique potentielle du Québec, qui se situe actuellement à 2,5 %, fléchira entre 1,5 et 2 % d'ici une vingtaine d'années.

Autrement dit, le seul poids de la démographie jouera contre le maintien du niveau de vie des Québécois. Nous devrons donc agir encore plus résolument sur les diverses variables influençant la productivité de notre économie car cette dernière est l'un des déterminants les plus importants de la croissance à long terme.

Aujourd'hui encore, reconnaissons-le, productivité est un mot qui fait peur. On peut comprendre pourquoi. Depuis 20 ou 25 ans en effet, combien de rationalisations massives ont-elles été accomplies en son nom ?

Alors que le concept de productivité recouvre en fait une réalité beaucoup plus vaste, beaucoup plus stratégique et beaucoup plus mobilisatrice. Il touche toute notre culture de l'innovation et tout ce qui encourage un plus haut taux d'activité de la population en âge de travailler.

L'instauration plus étendue de mesures de conciliation entre le travail et la famille est un exemple de ce sur quoi il faudra compter pour faciliter la présence des jeunes parents sur le marché du travail et leur contribution au processus de création de la richesse. Ces mesures, alliées à des politiques fiscales bien ciblées et des services de qualité dans le soutien à la petite enfance devraient aussi avoir une incidence positive sur la natalité et le renouvellement des générations.

L'immigration va également devoir nous aider à freiner le déclin démographique et à répondre à nos besoins de main-d'oeuvre. Le Québec ne sera toutefois pas le seul à courtiser les travailleurs qualifiés venant d'ailleurs. Jusqu'à maintenant, sa performance relative à cet égard a été de beaucoup inférieure à celle de l'Ontario et du Canada.

Il faudra donc, beaucoup plus efficacement que nous ne l'avons fait jusqu'à maintenant, savoir accueillir les immigrants et les intégrer dans nos entreprises et dans la société plus large et ce, en région comme à Montréal.

Il faudra également encourager l'apport des travailleurs plus âgés. L'an dernier, 45 % des travailleurs qui ont pris leur retraite au Québec avaient moins de 60 ans. Nos systèmes de pension et de retraite, qui favorisaient jusqu'à maintenant de tels choix, devront sans conteste être modifiés.

Il ne s'agira pas de forcer les gens à demeurer au travail mais à encourager, par des formules plus souples et plus avantageuses pour elles, les personnes qui voudront demeurer plus longtemps actives, ou encore celles qui souhaiteront prendre une retraite plus progressive. Ainsi pourrons-nous mettre mieux en valeur leurs connaissances et leur expérience et atténuer du même coup la pénurie de main-d'œuvre vers laquelle nous nous dirigeons.

La formation professionnelle est un autre facteur-clé de productivité. Ici encore, nous accusons un déficit par rapport à l'Ontario, où les travailleurs de 25 ans et plus sont à la fois plus scolarisés et reçoivent plus de formation que chez nous. L'amélioration de la productivité de nos entreprises passera obligatoirement par une amélioration continue des compétences et du savoir-faire des employés.

Nous apprenions il y a quelques jours que les inscriptions universitaires étaient en hausse pour une 7e année d'affilée. Voilà certes un phénomène encourageant, qui va dans le sens souhaité pour une collectivité en quête de productivité et d'innovation. Il va sans dire qu'il faudra prioriser le financement de notre système d'éducation, du primaire à l'Université, dont la qualité ne saurait se détériorer sans que cela ne nuise à nos efforts.

Il en va de même pour le financement de la recherche universitaire car cette dernière est au cœur de nos stratégies d'innovation et à l'origine de nombreuses entreprises de la nouvelle économie.

Dans un marché mondialisé où nos entreprises doivent affronter des concurrents supportant des coûts de main-d'œuvre nettement moins élevés que les nôtres, nos avantages comparatifs reposent désormais sur la qualité de nos ressources humaines et notre capacité collective à innover. Si la Chine par exemple peut produire les mêmes meubles ou les mêmes vêtements que nous à meilleur coût, nous n'avons dès lors pas le choix de faire les choses différemment, de proposer des produits originaux et à plus forte valeur ajoutée qui se distingueront des leurs.

De même, si l'exploitation des ressources naturelles joue toujours un rôle central pour les régions ressources, on devra de plus en plus, grâce à une première ou une deuxième transformation, offrir au monde des produits plus complexes, portant la marque d'une société qui sait conjuguer investissement, savoir-faire technologique et désir d'innover pour stimuler le développement économique.

En somme, c'est grâce à notre intelligence collective que nous arriverons à convertir les menaces issues de la mondialisation en nouvelles occasions de progrès.

Nous avons, au Québec, réalisé de grandes choses au cours des 40 dernières années, tant au plan économique, social que culturel. Ce que l'environnement de ce début de XXIe siècle exige de nous, c'est que nous redéployions les forces que nous avons déjà mises à l'œuvre, c'est que nous aiguillions notre savoir-faire et notre capacité de mobilisation collective vers de nouvelles façons de créer la richesse et d'assurer le bien-être de la population.

Montréal au cœur de la bataille pour la productivité

Dans cette grande bataille que doit livrer le Québec pour l'innovation et la productivité, c'est la grande région de Montréal qui est aujourd'hui aux avant-postes en vertu de son poids économique prépondérant et de la grande concentration d'entreprises, de centres de recherche et d'institutions d'enseignement qu'on y retrouve.

Montréal compte déjà pour 50 % du PIB du Québec, 60 % de ses exportations et elle recueille 85 % des investissements en recherche-développement réalisés dans la province. Aidée par la plus grande part que prennent les immigrants au sein de sa population active, elle va subir un peu moins sévèrement que le reste de la province les pressions associées au choc démographique.

Le Québec tout entier relèvera avec brio le défi de l'avenir si Montréal, sa locomotive, sait ouvrir la voie et manifester le leadership qu'on attend d'elle.

La force financière de Desjardins au service des entrepreneurs

Desjardins entend bien sûr aider les entreprises de partout au Québec à relever le défi collectif d'envergure qui nous attend. Le réseau Desjardins a aujourd'hui atteint une maturité qui en fait la plus grande force d'affaires au Québec - une force d'affaires en mesure d'apporter un soutien professionnel aux entrepreneurs dans leur quête d'une plus grande productivité et du développement de leurs marchés, que ce soit ici ou ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde.

Les directeurs de compte en place dans les centres financiers aux entreprises, assistés des experts que l'on retrouve dans les diverses sociétés spécialisées de Desjardins déploient aujourd'hui une offre de service complète, sachant répondre aux besoins de tous les types d'entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes.
Comme le dit notre publicité, c'est tout Desjardins qui appuie les entreprises. Déjà, le réseau Desjardins sert plus de 125 000 membres affaires, auprès de qui il a des engagements financiers de près de 30 milliards de dollars.

Nous célébrerons dans quelques jours, soit le 5 novembre prochain, le 150e anniversaire de la naissance d'Alphonse Desjardins, ce grand bâtisseur qui est à l'origine de l'ensemble du mouvement des caisses et des credit unions qui couvre aujourd'hui tout le Canada et les États-Unis et dont l'actif global dépasse les 500 milliards de dollars américains.

Nous nous inscrivons toujours dans la continuité de l'héritage que nous a légué M. Desjardins et nous sommes plus que jamais convaincus que les valeurs et la démocratie coopératives sont des atouts de premier ordre pour les collectivités de toutes les régions du Québec.

Le Mouvement Desjardins a été, sans conteste, l'un des principaux leviers de la modernisation économique du Québec au XXe siècle. Nous voulons aujourd'hui poursuivre le travail en mettant toute sa force financière à contribution pour que nous remportions ensemble l'importante bataille qu'il nous faut livrer au chapitre de l'innovation et de la productivité.

Ainsi ferons-nous en sorte que les progrès que le Québec a réalisés au cours des dernières décennies soient autant d'acquis solides pour les nouvelles générations et un tremplin vers de nouveaux sommets.

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