Texte signé par Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Gaétan Morin, président et chef de la direction, Fonds de solidarité FTQ, et publié dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.
Le 8 mai 2015
Bâtir le Québec inc. sur des acquis solides
Les PME naissent, croissent et, bien souvent, meurent. De fait, dans un écosystème entrepreneurial dynamique, il s’agit là du cycle de vie typique des nouvelles entreprises. Toutes les nouvelles idées, tous les nouveaux modèles d’affaires, ne mènent pas nécessairement au succès. Globalement, au Québec, c’est près des deux tiers des nouvelles entreprises qui auront fermé leurs portes avant cinq ans d’existence.
S’il est normal que plusieurs nouvelles PME aient de la difficulté à s’établir dans la durée, il faut évidemment que celles qui ont réussi à le faire puissent continuer de croître en s’appuyant sur les bases qu’elles ont mises en place. Or, cette survie peut et doit traverser un autre cycle de vie, celui de l’entrepreneur initial. C’est là qu’entre en jeu une pratique entrepreneuriale qu’il faudrait célébrer davantage au Québec : le repreneuriat.
Le repreneuriat, en termes simples, c’est construire son succès d’affaires sur des bases érigées, solidifiées. Il est en effet bien plus facile pour un jeune entrepreneur de reprendre une entreprise déjà existante que de démarrer de zéro. D’autant plus, cela permet de préserver la valeur de l’entreprise bâtie par son ancien propriétaire, son histoire et sa contribution à notre société en matière de richesses et d’emplois.
Cela dit, le repreneuriat demeure une option encore trop peu considérée par la relève et les cas à succès ne passent pas autant sous le radar médiatique que les startups. Et pourtant, le repreneuriat est aussi essentiel que l’entrepreneuriat pour l’économie du Québec de demain.
Voici quelques chiffres, à l’horizon des dix prochaines années, qui devraient vous éclairer sur les enjeux communs auxquels feront face les PME si l’on ne mise pas suffisamment sur le repreneuriat :
- Si leur transfert échoue, entre 5 700 et 10 000 entreprises québécoises risquent de fermer, ce qui pourrait se traduire par la perte de 79 000 à 139 000 emplois et de 8,2 à 12 milliards de dollars en PIB.
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- 30 % des propriétaires d’entreprises québécoises envisagent de prendre leur retraite, et la moitié d’entre eux ne désirent ni vendre ni céder leur entreprise.
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- 83 % des propriétaires d’entreprises québécoises estiment qu’il leur faudra moins de trois ans pour réaliser leur transfert, alors que les experts s’entendent pour dire qu’il faut compter en moyenne sept ans.
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Ces chiffres, tirés d’une étude que nous avions publiée l’an dernier, doivent tous nous interpeller. Le budget provincial 2015-2016 promet notamment d’accorder des mesures d’allègement fiscal lors du transfert d’une entreprise entre personnes liées dans les secteurs primaire et manufacturier. C’est déjà une action positive, mais il y aurait également lieu de mettre en place des mesures visant à faciliter l’ensemble des transferts d’entreprises si l’on veut susciter davantage la relève.
Par ailleurs, il faut savoir que le transfert d’une entreprise comporte de multiples étapes qui ont grand besoin d’être simplifiées. Pour ce faire, nous avons besoin d’harmoniser et de coordonner les programmes des organisations œuvrant en relève entrepreneuriale et en transfert d’entreprises. Elles ont actuellement tendance à fonctionner en silo. En réunissant leurs expertises, nous réussirions à couvrir les multiples facettes d’un transfert, qui sont autant de nature fiscale et financière que psychologique et humaine.
Vous l’aurez compris : la question de la relève entrepreneuriale et du transfert d’entreprises est plus que jamais cruciale pour le Québec inc. de demain. Le repreneuriat doit faire partie des principales options à considérer pour se lancer en affaires, au même titre que l’entrepreneuriat. Nous devons travailler à briser les idées reçues, à continuer de faire connaître la situation du repreneuriat au Québec, particulièrement auprès des jeunes professionnels. C’est l’avenir de nos PME qui s’y joue.