Texte cosigné par Michel Leblanc, président et chef de la direction, Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Martin Salloum, président et chef de la direction, Edmonton Chamber of Commerce, et publié dans Le Devoir, Le Journal de Québec et dans les versions électroniques du Soleil, de The Gazette et du Edmonton Journal.
Le 7 juin 2010
La centralisation à outrance :
un danger pour notre avenir économique
Le projet du gouvernement fédéral de centraliser la réglementation des valeurs mobilières en un seul organisme, vraisemblablement situé à Toronto, doit être rejeté. Ce projet ne cadre pas avec la vision que nous avons d’un Canada fort, reposant sur des pôles économiques et financiers multiples et dynamiques. La centralisation à tout prix va à l’encontre des fondements mêmes d’une confédération solide construite sur le principe de la collaboration entre provinces et territoires, chacun avec sa propre perspective et ses propres défis.
Nous le savons tous, le système bancaire du Canada fait l’envie des pays de l’OCDE. Le succès des marchés financiers canadiens se doit également en partie au fait qu’ils sont fondés sur la coopération entre provinces. Le système de passeport actuel, mis en place avec succès, offre un guichet d’accès unique aux marchés des capitaux. Notre modèle avant-gardiste démontre qu’il est possible de collaborer de façon harmonieuse et rigoureuse pour protéger l’investisseur et venir en aide à l’entreprise qui cherche à se financer. Bref, le Canada est présentement doté d’un système sur lequel le reste du monde peut prendre exemple.
La législation fédérale proposée récemment vise à créer une commission centralisée des valeurs mobilières qui viendra détruire le système de passeport qu’utilise à l’heure actuelle notre secteur financier. La proposition fédérale nuira bien sûr aux secteurs financiers de provinces comme l’Alberta, le Québec et d’autres, mais surtout, elle nuira aux entreprises et en fait à tous les Canadiens. Elle fragilisera les bases mêmes de notre économie, à tel point que nombre d’acteurs économiques importants y ont ouvertement exprimé leur opposition. De vastes coalitions de leaders de la communauté des affaires et d’experts de domaines reliés multiplient les mises en garde et s’élèvent contre cette législation intrusive.
Selon nous, les arguments avancés par le gouvernement fédéral pour justifier cet exercice de centralisation à outrance ont été contredits par de nombreux experts de l’ensemble du pays. Les commissions des valeurs mobilières provinciales et le système de passeport dans le cadre duquel elles fonctionnent offrent aux investisseurs des services et une protection qui sont tout aussi bons, sinon meilleurs, que ce que l’on retrouve dans la majorité des pays développés. De toute façon, comme en témoignent les récents scandales financiers aux États-Unis et ailleurs, les agences centralisées n’éliminent pas la possibilité de fraude, ce qui est l’un des arguments utilisés par les tenants d’un organisme unique.
Est-il nécessaire de rappeler que l’OCDE, le FMI et la Banque mondiale ont tous récemment souligné l’excellence du système financier du Canada ? Ce vote de confiance des grandes institutions économiques internationales devrait suffire à convaincre le fédéral de ne pas toucher au système actuel.
Un grand système centralisé a toutes les chances d’échouer dans sa responsabilité de protection de l’investisseur et d’être aveugle aux réalités et défis spécifiques que crée la diversité des entreprises canadiennes. Nous ne devons pas accepter une vision périmée d’un Canada centralisateur, insensible aux efforts de développement qui existent partout dans le pays. Les Canadiens méritent mieux. Qu’elles se développent à Edmonton, à Montréal, à Vancouver ou à Winnipeg, les entreprises ont le droit de pouvoir s’appuyer sur un système exemplaire qui a fait ses preuves.
Incertain de la constitutionnalité de sa proposition, le gouvernement fédéral a demandé l’avis de la Cour suprême du Canada sur le droit du Parlement de légiférer en matière de valeurs mobilières. En proposant de la législation de cette nature, le gouvernement fédéral démontre son peu de respect pour les droits des provinces. Par le fait même de sa demande à la Cour Suprême, il reconnaît son intrusion dans un domaine de compétence provinciale.
Nous sommes convaincus que l’Alberta Securities Commission et l’Autorité des marchés financiers sont mieux placées pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises de l’Alberta et du Québec. Si la législation proposée est adoptée, les provinces perdront le talent dont elles disposent actuellement pour assurer un succès économique durable. Le système d’agence unique que propose le gouvernement fédéral met en danger l’accès immédiat de nos entreprises à l’expertise de l’agence de réglementation dont elles ont besoin pour lever du capital efficacement.
Nous devons rejeter sans appel le projet de création d’une agence centralisée de réglementation des marchés financiers. À notre avis, il nous faut plutôt nous tourner vers l’avenir et envisager des moyens de renforcer et non d’affaiblir tout ce que le Canada et ses provinces ont à offrir.