L’intelligence artificielle est constamment utilisée dans le monde du jeu vidéo, et ce, depuis de nombreuses années. C’est elle qui permet d’offrir au joueur des expériences de plus en plus immersives et de façonner un écosystème qui se modifie de manière autonome. Un environnement riche en données de qualité, si proche de la réalité qu’il constitue une opportunité pour les entreprises d’y tester leurs prototypes. À l’occasion du Forum stratégique sur l’intelligence artificielle, organisé le 15 janvier dernier, Yves Jacquier, directeur exécutif des services de production et d’Ubisoft La Forge – une entité collaborative ayant pour but d’accélérer la R-D par l’arrimage des milieux de la recherche et de l’industrie – a fourni trois éléments de compréhension sur cette opportunité de maillage.
Le jeu vidéo : un simulateur de la vie réelle
Le jeu vidéo et l’intelligence artificielle constituent des forces alliées. Que l’on pense à Pong (1972) ou Pac-Man (1980), il est déjà question, à l’époque, d’une machine qui réagit en interaction avec un joueur[1]. Pour Yves Jacquier, le jeu – et plus particulièrement le jeu vidéo – est un point de référence dans l’histoire du développement de l’IA pour mesurer la qualité des décisions prises par le programme par rapport à celles des humains.
Depuis les années 70, l’IA a bien changé. Elle est en constante évolution : dans le secteur du jeu vidéo, on est passé d’interactions limitées, où les développeurs envisageaient un maximum de situations possibles, à des expériences bien plus immersives, où chaque action prise par le joueur entraîne une modification de l’environnement. Grâce à la collecte de données (depuis dix ans, dans le cas d’Ubisoft), les entreprises de jeu vidéo sont maintenant capables de développer des systèmes qui s’adaptent au joueur et à l’écosystème du monde virtuel. On arrive alors à des simulations de plus en plus concrètes. À tel point qu’un paradigme est en train de voir le jour : ces mondes virtuels pourraient servir à tester des applications de la vie réelle, dans des domaines très variés tels que l’industrie de l’automobile, la médecine, l’audio, la physique… Une opportunité pour les entreprises, qui peuvent désormais s’appuyer sur la nouvelle branche de recherche et de développement d’Ubisoft : La Forge.
La Forge ou 1+1 = 3
« Nous avons réalisé qu’il y avait un fossé entre les secteurs scientifique et industriel. L’un met beaucoup d’efforts sur la connaissance, mais peu pour tester ce qu’il en ressort. L’autre consacre énormément d’amour à développer ses produits, sans toujours passer par l’étape de la création de prototypes ». Il y a, par conséquent, un vide entre la théorie et le terrain. Un vide que souhaite combler le nouvel espace de prototypage conçu par Ubisoft, baptisé La Forge. Depuis un an et demi, cette nouvelle entité permet à des universitaires de travailler avec des équipes d’Ubisoft pour élaborer des concepts novateurs, en ayant accès à pratiquement tout ce que le géant du divertissement peut leur offrir : infrastructures, données, outils de pointe, engins de jeu, experts. Pour M. Jacquier, ces deux expertises produisent un alliage puissant. C’est une opportunité, pour les chercheurs, de pousser des travaux qui n’ont rien à voir avec le jeu vidéo. C’est un moyen pour le jeu vidéo de devenir toujours plus réaliste et pertinent. Et c’est une occasion, pour les universités, de tester de nouvelles idées ou, pour les entreprises industrielles, d’innover rapidement, à coût moindre.
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L’exploitation de cette plateforme par les entreprises
Tester ses idées pour évaluer leur viabilité est majeur pour les entreprises, le prototypage étant la pierre angulaire de l’innovation technologique. Selon Ubisoft, le jeu vidéo peut appuyer les entreprises dans ce processus. Par exemple, pour des voitures autonomes, le test en milieu virtuel permet d’entraîner les algorithmes à reconnaître la signalisation routière ou à évaluer les limites du système en simulant des incidents (congestion, accident…). Autre exemple : grâce à l’IA, le jeu vidéo arrive à recréer la démarche d’un être humain. Un résultat intéressant pour une organisation qui développe des prothèses de jambes. Elle pourrait ainsi tester ses spécimens via ce support pour ensuite en sortir un produit final. Les possibilités sont infinies, comme le mentionne M. Jacquier… à condition de pouvoir réunir trois pôles d’excellence : le jeu vidéo, l’IA, mais aussi le savoir-faire des industriels.
Le directeur exécutif de La Forge lance donc un appel à la collaboration, soulignant par la même occasion l’importance des nouvelles technologies en intelligence artificielle pour l’industrie du jeu vidéo et incitant les spécialistes en IA à envisager ce secteur sous un nouvel angle. Enfin, il demande aux entreprises de profiter du pôle d’excellence qu’offre Montréal et de l’expertise disponible pour stimuler la recherche et le développement de leurs nouveaux produits et services.
[1] E3: Ubisoft Montréal met le paquet pour ses 20 ans, Denis Lalonde, Les Affaires, 15 juin 2017.