Depuis trois ans, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain s’associe avec Aéro Montréal pour l’organisation d’un événement dans le cadre de la Semaine internationale de l’aérospatiale. L’événement de cette année a pris la forme d’un déjeuner-causerie qui a réuni, le 20 avril dernier, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, et les représentants de chefs de file mondiaux du secteur aérospatial, CAE, Pratt & Whitney Canada et Bell Helicopter, le temps d’un panel qui a permis de dresser le portrait du secteur de l’aérospatiale et de ses enjeux de main-d’œuvre.
32 000 postes à pourvoir d’ici 10 ans
« Nous tenons cet événement dans un contexte très particulier de rareté de main-d’œuvre. La rareté de main-d’œuvre est le stade qui précède la pénurie. Il est encore temps d’agir », a déclaré Mme Suzanne Benoît, présidente et directrice générale d’Aéro Montréal à l’ouverture du panel.
Le Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale a récemment publié des chiffres éloquents. D’ici 10 ans, le Québec devra pourvoir près de 32 000 postes pour répondre à la demande du secteur. Le vieillissement de la population et les nombreux départs à la retraite laisseront près de 22 800 postes vacants et l’avènement des nouvelles technologies créera plus de 8 800 nouveaux postes. Devant ce défi de taille, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale s’est voulu rassurant. Avec les 810 M$ prévus dans la Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023, qui sera dévoilée ce printemps, François Blais est convaincu que l’on répondra « assurément aux besoins de l’industrie aérospatiale en la matière ».
L’importance de l’attraction et de la formation de la relève
Pour faire face à l’enjeu de la main-d’œuvre, les entreprises du secteur travaillent en étroite collaboration avec les universités, collèges techniques et écoles spécialisées qui proposent une formation en aérospatiale. Malgré les efforts conjugués, les quelque 4 800 travailleurs issus chaque année de ces programmes ne suffiront pas à pourvoir les postes disponibles. Souvent perçus comme des métiers typiquement masculins, très techniques et dans un milieu difficile à percer, les divers emplois du secteur de l’aérospatiale demeurent plutôt méconnus. Cela se répercute directement sur le nombre d’inscriptions aux programmes de formation spécialisée, qui est en baisse depuis deux ans.
« Notre plus grand défi est de convaincre les jeunes – et leurs parents – de choisir des carrières en aérospatiale », a souligné Mme Benoît.
Fort de ses 20 ans d’expérience en matière de ressources humaines dans le secteur, le président de Pratt & Whitney Canada, Kevin Smith, est convaincu qu’il y a encore des efforts à fournir pour attirer la relève :
« Il faut que les gens viennent nous voir, qu’ils comprennent que les emplois dont on parle aujourd’hui, ce sont de bons emplois, bien rémunérés, avec de bonnes conditions de travail et des normes de santé et sécurité hors pair. Ce ne sont pas des usines qui sont désuètes, c’est de la haute technologie et de la haute complexité. »
De nombreuses occasions à saisir
Hélène Gagnon, vice-présidente de CAE, croit qu’au-delà du salaire, qui est en moyenne plus élevé que le salaire moyen au Québec, l’industrie offre également des conditions de travail flexibles et adaptées aux besoins de la nouvelle génération. De plus, l’aérospatiale offre un travail très valorisant.
« Les jeunes recherchent principalement un but, celui de faire une différence dans la vie, de changer le monde. Quand ils réalisent qu’en travaillant dans l’aérospatiale, par exemple dans le simulateur de vol chez CAE, cela comprend aussi la notion de sécurité, ça leur parle beaucoup plus », a ajouté Mme Gagnon.
Afin d’attirer davantage la relève, l’industrie offre chaque année de 250 à 300 stages rémunérés. En collaboration avec les universités, les entreprises de l’industrie ont récemment créé un institut de l’aérospatiale pancanadien et un fonds de bourses de stage. Les occasions à saisir pour les étudiants et jeunes travailleurs du secteur sont donc multiples.
Un changement de culture nécessaire
Malgré les nombreuses possibilités et les conditions de travail alléchantes qu’offre l’industrie, les experts du panel ont été unanimes : pour relever le défi de la main-d’œuvre, le secteur aérospatial devra effectuer un important virage culturel.
Majoritairement masculin, le secteur n’emploie que 30 % de femmes. Selon Mme Cynthia Garneau, présidente de Bell Helicopter Textron, un changement de style de leadership est nécessaire. « Ça prend à la base des gestionnaires qui croient fermement à la valeur ajoutée des femmes dans les entreprises aujourd’hui. » Cet enjeu touche également la diversité. Une plus grande ouverture d’esprit dans ce secteur est donc fondamentale pour attirer la relève.
« Il faut déconstruire l’image d’une industrie trop traditionnelle. Il faut revoir et aborder différemment les qualifications que l’on demande aujourd’hui pour nos postes, il faut être moins restrictif, regarder d’autres profils de candidats, croire à ces profils différents et leur faire confiance. Il faut faire preuve de plus d’ouverture pour permettre à la diversité de se joindre à nous », a conclu Mme Garneau, elle-même titulaire d’un baccalauréat en droit.