Cette entrevue a été réalisée auprès de Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Quelle est la responsabilité de l’employeur face à la question du harcèlement sexuel? Jusqu’où cela va-t-il?
Le harcèlement sexuel est une forme de harcèlement psychologique. Depuis 2004, la législation prévoit une obligation pour les employeurs de fournir un environnement de travail sain, dépourvu de toutes formes de harcèlement. L’obligation auprès des employeurs est centrée sur les moyens et non sur les résultats : ils sont obligés de prévenir les cas de harcèlement et d’agir en conséquence.
Quelles mesures un employeur doit-il mettre en place pour prévenir le harcèlement sexuel au travail?
La loi n’indique pas ce qu’un employeur doit faire. Cependant, une politique claire et un engagement de l’employeur confirmant son intention de créer un environnement de travail sain peuvent aider. Cela permet de fournir un cadre et des garanties de protection si harcèlement il y a.
Par la suite, l’employeur doit diffuser cette politique, cet engagement clair auprès de son organisation. Il doit aussi informer ses employés et ses gestionnaires au moyen d’activités de sensibilisation. Des ateliers de formation sur les gestes à poser en cas de harcèlement et les moyens mis à leur disposition pour ce faire peuvent aussi être une mesure de prévention.
Comment identifier un cas de harcèlement sexuel au travail?
Ces comportements sont souvent subtils, ce n’est donc pas forcément facile pour un employeur de les détecter. Cependant, certains comportements relevant d’un manque de civilité peuvent être observés, et si ces derniers sont tolérés, ils pourraient entraîner des gestes déplacés, voire des dérapages. Il faut donc rester à l’affût et ne pas accepter ces types de comportements, par exemple en établissant une politique claire. L’employeur doit cependant avoir des preuves tangibles de harcèlement, sans quoi il ne peut pas agir concrètement, mais simplement tenter de communiquer avec la personne ayant ce type de comportement.
Quels sont les recours, les moyens mis à disposition d’une personne victime de harcèlement sexuel au travail, et ce, au sein de l’entreprise comme à l’extérieur de l’entreprise?
Si l’entreprise a établi une politique claire, l’employé victime de harcèlement peut se référer en premier lieu à cette politique, qui lui indiquera par exemple les personnes à qui s’adresser et comment porter plainte. Si la politique n’établit pas de personne-ressource, il est conseillé à la personne victime de harcèlement de s’adresser à quelqu’un en qui elle a confiance au sein de l’entreprise.
À l’extérieur, l’employé peut porter plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. La Commission accompagne l’employé dans la procédure de plainte : généralement, une première étape est proposée, celle de la médiation entre les parties. Si cela n’aboutit pas, une résolution au tribunal peut être envisagée.
Si une situation de harcèlement au travail se présente, comment l’employeur doit-il procéder?
L’employeur a la responsabilité de faire cesser le harcèlement; il n’a pas de moyens à sa disposition en particulier. Cependant, avant toute chose, l’employeur doit s’assurer qu’il y a bien une forme de harcèlement. La première étape pour s’en assurer peut être de mener une enquête administrative afin d’évaluer la pertinence de la plainte. Si le harcèlement est avéré, une médiation entre les parties peut être proposée. L’employeur doit aussi prendre les mesures nécessaires pour sanctionner le harcèlement, c’est-à-dire des mesures disciplinaires (cela peut aller de la réprimande au congédiement). Le grand défi pour l’employeur est d’amener les employés victimes de harcèlement à dénoncer le harceleur tout en les assurant que cela n’aura aucune répercussion négative pour eux.
Quels sont les outils et pratiques mis à la disposition des PME qui n’ont pas nécessairement les moyens au sein de leur entreprise de lutter contre le harcèlement?
On recommande aux petites et moyennes entreprises – comme à toutes les entreprises – d’établir une politique claire, une position ferme face au harcèlement au travail. Cette politique permet de définir, comme nous l’avons expliqué, la personne-ressource en cas de harcèlement (cette ressource peut être interne ou externe en fonction des moyens et de la taille de l’entreprise). Le principal rôle de l’employeur est d’affirmer son engagement face au harcèlement au travail, d’instaurer un environnement de travail sain et de communiquer avec ses employés.