Deux fondateurs et présidents de PME en croissance, Anie Rouleau (Baleco), et Jeff Letendre (Like a Hotel), relatent leur expérience de financement : difficultés rencontrées, occasions d’affaires et conseils pratiques. Portrait d’une des réalités entrepreneuriales.
Un accès parfois difficile au financement externe pour les PME
Le financement externe est une « activité intemporelle d’une entreprise », selon Anie Rouleau. Jeff Letendre confirme qu’il faut constamment aller en chercher, mais qu’il n’est jamais facile d’en obtenir quel que ce soit le stade de développement de la PME. Un constat que partage Anie.
Cette dernière a fondé en 2012 Baleco, une entreprise de produits et services écoresponsables. « Lorsque j’ai commencé, raconte Anie, je n’avais pas accès au financement. J’avais 47 ans, je n’étais donc pas considérée comme une jeune entrepreneure. De ce fait, je ne remplissais aucun critère d’admissibilité à des programmes de subvention ». Au terme de la quatrième année, Anie décroche enfin une marge de crédit de la Banque Nationale, suivie, peu après, d’un prêt de la Banque de développement du Canada (BDC).
Jeff Letendre a vécu une expérience similaire. C’est à 33 ans que cet homme d’affaires lance sa start-up Like a Hotel, un site de location de vacances, qui offre tout le confort et la sécurité d’un hôtel, à Montréal et dans les Laurentides. À ses débuts, il ne trouve pas de source de financement. Son modèle d’affaires, novateur, doit faire ses preuves pour convaincre. Aujourd’hui, Jeff est notamment en discussion avec une grande institution financière.
D’après ces propos, on comprend le défi pour les PME en démarrage de décrocher subventions et soutien de la part des institutions financières. Mais on comprend également que, passé quelques années d’existence, les interlocuteurs semblent plus nombreux. Certes, en convient Jeff, tout en rappelant la condition nécessaire à cette ouverture : la rentabilité de l’entreprise.
Des conseils et des ressources pour soutenir ces entreprises
Que retiennent ces deux entrepreneurs de leur recherche de financement?
Trois conseils. Le premier est unanime : le financement externe constitue le plan B d’une entreprise. « La PME doit pouvoir se financer elle-même. C’est ça, le plan A », rappelle Jeff. « Je me suis payé mon entreprise grâce à l’hypothèque que j’ai pu retirer de ma maison et à mon REER », confirme Anie. Conclusion : le financement externe est destiné à venir en appui à un projet et non à soutenir l’entreprise au complet.
Le deuxième conseil est d’être bien préparé. Anie, qui vient d’aider deux entreprises en démarrage, a créé une liste exhaustive des documents à préparer pour les financiers (on la retrouve en fin d’article). « Les entrepreneurs assimilent cette énumération de papiers à une montagne à gravir, dit Anie, alors qu’en fait, c’est un dossier facile à constituer. » Pour Jeff, « c’est un bon exercice à réaliser, car il permet à l’entreprise de recadrer ses objectifs et sa ligne de conduite ».
Le dernier conseil nous est donné par Anie : « Ne pas avoir peur de prendre le téléphone pour poser des questions, car les gens se montrent extrêmement disponibles. Le courriel est, à ce titre, à délaisser. »
« Le financement externe constitue le plan B d’une entreprise » »
Une ligne d’action : « Saisir toutes les occasions de se faire connaître tout en étant sélectif quant aux activités choisies – notamment en matière de réseautage –, au risque de se perdre dans la multitude d’événements proposés chaque jour », dit Anie. L’enjeu est de maximiser le pouvoir du réseau : « Il y a toujours quelqu’un qui peut vous mettre en relation avec une personne intéressante pour vos affaires ». La présidente de Baleco parle d’expérience : « La BDC m’a dirigée vers la Banque Nationale; cette dernière a pris le temps de visiter ma PME, de se familiariser avec mes produits. » Cette rencontre s’est conclue par la signature d’un contrat accordant à l’entreprise une marge de crédit de 80 000 dollars, garantie par ses comptes clients et son inventaire.
Rencontrer les personnes clés au bon moment, voilà ce qui est arrivé à Jeff lors de sa participation au Rendez-vous du financement – PME en croissance, organisé par Acclr en novembre dernier. « Ça fait partie des activités qui se sont révélées bénéfiques pour mon entreprise, évalue-t-il. Le sceau apposé par Acclr et la Chambre instaure une relation de confiance entre des financiers, des investisseurs et des entrepreneurs sérieux ». C’est au cours de cet événement que le président de Like a Hotel rencontre une institution financière renommée. « Nous sommes, depuis, en grande discussion et nous nous parlons chaque semaine », termine Jeff.
Quant à Anie, cet événement lui a permis de reprendre contact avec Emploi-Québec même si son besoin de financement actuel ne répondait pas aux critères d’admissibilité de l’institution. « Mon entreprise fait de la vente en ligne et je souhaitais obtenir des fonds pour développer ma stratégie de commercialisation sur le Web », explique-t-elle. Le programme d’insertion d’Emploi-Québec lui avait permis, auparavant, d’engager deux employés.
Des institutions à privilégier : « La BDC et le Fonds de solidarité FTQ sont des interlocuteurs avec lesquels il faut s’asseoir, car, par la nature même de leur mandat, les garanties qu’ils exigent ne sont pas aussi fortes que celles des banques. Avec une banque conventionnelle, excepté lorsqu’un programme gouvernemental sécurise le prêt, si vous empruntez 100 000 dollars, vous devez avoir la même somme en garantie », explique Jeff.
Un besoin de revalorisation de l’entrepreneuriat québécois?
Au vu de la frilosité des banques à prêter de l’argent aux entrepreneurs québécois, la fondatrice de Baleco conclut que l’entrepreneuriat a besoin de revalorisation. « La commission Charbonneau a renvoyé l’image d’entrepreneurs corrompus », explique-t-elle. Comment changer la donne? Comment mettre en lumière le souci des entrepreneurs pour leurs employés, leur communauté, leur environnement? C’est pour répondre à cette préoccupation qu’elle s’est jointe à un groupe de réflexion comptant 40 entrepreneurs, une initiative pilotée par Michael Sabia, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
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Liste de documents à préparer pour les financiers – selon Anie Rouleau :
- les états financiers, comprenant notamment les revenus, les dépenses liées aux marchandises vendues, les dépenses administratives, marketing et financières (c’est-à-dire les coûts financiers relatifs aux prêts);
- les états des résultats;
- le bilan financier;
- la première année de projection financière (2017-2018);
- une planification allant jusqu’à 2019 maximum;
- une page d’hypothèses de croissance des ventes;
- un budget prévisionnel de ventes et de dépenses;
- un bilan personnel (propriété d’une maison, REER…);
- une présentation de l’entreprise;
- un plan d’affaires de 3 à 5 pages contenant une charte organisationnelle (nombre d’employés, fonctions…);
- un lien LinkedIn ou un CV.