L’Institut national canadien des aveugles (INCA) le souligne d’emblée sur son site : « Aujourd’hui, travailler avec une personne aveugle ou ayant une vision partielle, c’est comme travailler avec n’importe quelle autre personne ». Pourtant, selon un sondage réalisé par l’organisme en 2016, sur les 500 000 Canadiens atteints de ce handicap, seulement le tiers de ceux qui sont aptes au travail trouvent un emploi rémunérateur. Pourquoi? Principalement à cause d’un manque d’expérience avec cette clientèle, selon l’organisme Montréal Relève, qui a mis sur pied, à ce titre, le programme Vision Carrières.
Les deux principales appréhensions
« Les personnes atteintes de déficience visuelle sont parmi les plus diplômées de notre société, parce qu’à l’université, tout est fait pour pallier certains handicaps », explique Marie-Élaine Normandeau, directrice de Montréal Relève. Un accompagnement sur mesure qui tranche avec la réalité du marché de l’emploi. « Les organisations que nous approchons dans le cadre du programme Vision Carrières ne sont pas réticentes à embaucher ces personnes qualifiées, mais elles se questionnent sur les accommodements nécessaires à leur accueil ». C’est une des premières appréhensions. Or, ces aménagements sont facilement applicables et peu coûteux, selon l’INCA. De plus, des ressources existent pour soutenir les entreprises dans cette démarche, allant même jusqu’au remboursement de l’achat du matériel par la RAMQ[1].
Deuxième appréhension : les entreprises peuvent avoir l’impression qu’une personne sans déficience visuelle sera plus facile à former et qu’elle sera donc rapidement efficace. C’est un mythe, selon Mme Normandeau. « Nous l’avons fait vivre à plusieurs organisations : dès que les installations sont en place pour accueillir l’employé en situation de handicap, celui-ci est aussi performant et, finalement, autonome que n’importe qui d’autre. Il a les mêmes connaissances que ses collègues et vit avec sa déficience tous les jours. C’est, en somme, lui qui fait une grande partie du travail d’adaptation, à l’image de ce qu’il fait déjà dans sa vie, au quotidien. »
Face à ces idées préconçues, une personne atteinte de déficience visuelle peut éprouver une crainte à aborder son handicap. « Certains candidats ne le laisseront pas transparaître, tant sur la lettre de motivation qu’en entrevue – si la déficience est moindre », explique la directrice de Montréal Relève. Il y a, à ce titre, un travail de sensibilisation à faire.
Des stages qui aident à mieux se comprendre
C’est dans ce contexte que Montréal Relève, appuyé par le CISSS de la Montérégie-Centre, son installation Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB) et la Fondation En Vue, a mis sur pied le programme Vision Carrières, dès 2014. « Le but est de mailler, pendant une semaine, une personne vivant avec une déficience visuelle et une entreprise. Au terme du stage, l’organisation se rend généralement compte par elle-même que ce n’est pas si compliqué d’accueillir un employé en situation de handicap », explique Marie-Élaine Normandeau.
Ce programme d’exploration professionnelle est offert aux adolescents et aux jeunes adultes. Au total, une quinzaine de stages sont réalisés chaque année. « Nous permettons de faire le lien entre l’environnement universitaire, qui est très aidant auprès des étudiants, et le monde du travail, qui est moins sensibilisé aux situations de handicap », souligne Mme Normandeau.
Vision Carrières aide cette future main-d’œuvre à vivre une première expérience positive en milieu professionnel, à avoir confiance en elle et à savoir présenter son handicap de la bonne manière à une entreprise. Et ce, tout en étant accompagnée par des spécialistes.
S’ouvrir à la différence : quelques conseils
Lorsqu’une personne vivant avec une déficience visuelle est engagée, que doit faire l’entreprise pour bien l’intégrer?
Échanger avec la nouvelle recrue sur ses besoins.
“Il est important de discuter ouvertement avec la personne concernée de ses besoins afin de pallier les possibles difficultés liées à son handicap dans l’accomplissement du travail à réaliser. Cette dernière est la mieux placée pour nous renseigner et elle connaît, dans la plupart des cas, les solutions applicables.”
Sensibiliser son équipe de travail pour qu’elle soit prompte à suivre les bons comportements : démystifier le handicap du nouvel employé, expliquer ce que ça implique sur le plan opérationnel, répondre aux questions. Inviter également la personne à parler de sa déficience pour qu’elle indique entre autres ce qu’elle voit, ce qu’elle ne voit pas.
Adapter le poste au handicap en effectuant les installations nécessaires. Pour limiter les risques, on veillera par exemple à ce que les couloirs soient bien dégagés et à ce que les fils ne soient pas apparents.
Jumeler un mentor avec le nouvel employé, le temps de son intégration.
Effectuer le tour de l’organisation comme avec n’importe quel employé. Il est possible de réaliser cette visite avec un spécialiste en orientation et mobilité, à l’image de ce que fait Vision Carrières pour ses stagiaires. Ce spécialiste se déplacera avec l’employé afin de baliser le chemin habituel qu’il empruntera.
Verbaliser. Énormément.
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Crédit photo : Montréal Relève.
[1] Embaucher une personne vivant avec une perte de vision, mythes et réalité.