Le 21 février, le gouverneur général de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a profité de son passage devant plus de 600 personnes du milieu d es affaires présentes à la tribune de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain pour faire le point sur la politique monétaire canadienne, sa portée et ses limites.
D’entrée jeu, M. Poloz a rappel é que la Banque du Canada a une très lourde responsabilité. En effet, selon le préambule de la Loi sur la Banque du Canada, son mandat est de « réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation, pour contrôler et protéger la valeur de la monnaie nationale sur les marchés internationaux, pour atténuer, autant que possible par l’action monétaire, les fluctuations du niveau général de la production, du commerce, des prix et de l’emploi, et de façon générale pour favoriser la prospérité économique et financière du Canada. »
Voici les éléments clés à retenir de son allocution.
Une efficacité ayant fait ses preuves
Nous avons eu l’occasion de constater au fil du temps à quel point la mise en œuvre de la politique monétaire est un exercice d’une grande complexité, notamment en raison des conditions économiques qui peuvent varier d’une région à l’autre du pays. Le contrôle de l’inflation depuis plus d’un quart de siècle démontre clairement que la Banque du Canada a bien rempli sa mission.
Pour expliquer son propos, M. Poloz a rappelé la difficile période qu’ont été les années 70. L’inflation n’était pas seulement très élevée – beaucoup plus que présentement ; elle était également extrêmement volatile. Il était très ardu, autant pour les entreprises que pour les ménages, de prendre des décisions éclairées dans un environnement financier aussi instable.
La Banque du Canada a vu juste dès la mise en œuvre de sa politique monétaire au début des années 80 en situant son taux de référence dans une fourchette comprise entre 1 % et 3 %. Malgré les doutes suscités par l’efficacité de cette mesure, la démonstration a été faite. Depuis, lorsqu’on pose la question à savoir quel est le taux d’inflation annuel, les gens répondent systématiquement 2 % !
M. Poloz a souligné que les résultats de la politique se font maintenant sentir de manière plus rapide. Les entreprises et les ménages peuvent faire une planification financière à plus long terme. Bref, les cycles économiques sont moins sévères et entraî nent moins d’insécurité. Une des résultantes positives, a-t-il ajout é , est un taux de chômage toujours plus bas et stable.
Trois limites à prendre en considération
« Même en 1935, les rédacteurs de la loi savaient que cette loi n’est pas toute puissante. Il y a des limites à ce qu’on peut faire », a déclaré Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada.
La politique monétaire est bien souvent résumée de manière quelque peu simpliste : la Banque influe sur le taux d’inflation en modifiant, à la hausse ou à la baisse, les taux d’intérêt pour stimuler ou ralentir l’économie. Toutefois, dans son ensemble, l’économie canadienne est beaucoup plus complexe et plusieurs facteurs autres que l’inflation demeurent hors de son contrôle.
M. Poloz a ainsi défini la première limit e majeure au fait que le contrôle de l’inflation reste le seul objectif de cette politique.
« Le fait de n’avoir qu’un seul outil de gestion de l’inflation signifie également que le gouvernement n’est pas capable de gérer indépendamment les effets secondaires sans mettre la maîtrise du taux d’inflation en péril. »
Une deuxième limite de la politique monétaire est mise en lumière par la récente crise économique mondiale. En effet, le maintien d’un faible taux d’inflation peut mener à l’accumulation dangereuse de déséquilibres économiques et augmenter la vulnérabilité financière des entreprises et des ménages canadiens. Une période prolongée de stabilité économique et financière, comme celle que nous venons de connaître, peut inciter les gens à prendre trop de risques, à s’endetter davantage tout en réduisant la vigilance des autorités réglementaires.
Enfin, selon M. Poloz, une troisième limite importante de la politique monétaire réside dans le climat d’incertitude attribuable à la conjoncture économique mondiale. Cette affirmation est d’ailleurs plus vraie que jamais actuellement. Or, les effets des décisions prenant un certain temps à se matérialiser, le processus de prévision ne peut pas être fait de manière mécanique et requiert énormément de jugement.
La question sur toutes les lèvres
Le passage du gouverneur général de la Banque du Canada ne pouvait pas laisser de côté la question de la hausse d es taux d’intérêt.
Interrogé à ce sujet, M. Poloz a expliqué qu’avec un taux directeur à seulement 1,75 %, la banque centrale ne serait pas en mesure de répondre adéquatement à une éventuelle récession. L’augmentation graduelle des taux d’intérêt a ainsi pour objectif de réduire le choc économique d’une éventuelle récession. M. Poloz a tenu à rappeler que le maintien de taux trop bas représentait également un facteur de risque pour les ménages qui ont tendance à s’endetter plus lourdement. Il a fait valoir que, dans ce contexte, la Banque allait demeurer très vigilante.
« Nous allons surveiller les données à mesure qu’elles seront disponibles et utiliser notre jugement pour réagir aux incertitudes et gérer les risques connexes », a conclu Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada.