Selon Elmar Mock, inventeur professionnel et cofondateur de Swatch, innover, c’est « rendre l’impossible possible ». Dans un discours qui alternait entre anecdotes personnelles et théories imagées, le créateur suisse a enchanté l’auditoire réuni en marge de la troisième édition du Forum stratégique sur le manufacturier innovant que la Chambre et Investissement Québec ont tenu le 10 mai.
D’entrée de jeu, M. Mock a abordé le mythe entourant la montre Swatch. Sa plus célèbre invention a été créée dans les années 1970, à une époque où plus personne ne croyait à l’horlogerie. Avec humour, il a souligné que les résultats de la montre Swatch ne correspondaient pas à l’objectif fixé au départ. Il a rappelé que les meilleures idées naissent souvent d’une succession d’erreurs. Au préalable, ses associés et lui voulaient faire une montre qui coûterait dix dollars à produire; leur Swatch en a coûté six. Ils voulaient en faire cinq unités au départ; ils en ont fait 700 millions. « Voyez comment on s’est trompés », a-t-il lancé aux invités présents, non sans ironie.
Une fois la montre Swatch créée au-delà de leurs ambitions, M. Mock et ses partenaires voulaient s'attaquer au marché de masse avec une montre suisse bon marché, qui pouvait être remplacée au quotidien, comme un accessoire mode. Ils ont repensé la manière de faire une montre en réduisant les composantes de moitié et en la concevant pour qu’elle soit construite automatiquement.
À 32 ans, Elmar Mock a quitté la société afin de fonder sa firme Creaholic. Il allait devenir un inventeur en série qui a œuvré dans plus de 750 projets au cours de sa carrière.
Voici trois éléments clés à retenir de son discours à la Chambre.
La clé, c’est l’innovation
Elmar Mock a toujours été passionné par l’innovation. Son départ de Swatch l’a placé au bord du gouffre et l’a forcé à prendre de meilleures décisions.
Selon lui, deux types d’attitudes s’offrent aux créateurs et aux inventeurs. D’abord, il y a « l’attitude d’innovation » : prendre des risques et accepter que l’on puisse échouer. « On se lance dans le vide et des ailes pousseront peut-être pendant que l’on tombe », illustre-t-il.
Puis il y a « l’attitude de rénovation », moins évolutive, moins créative, basée davantage sur les connaissances, mais « si tu montes l’escalier dans un bateau qui coule, tu couleras quand même », affirme-t-il. Pour Elmar Mock, l’innovation c’est de penser à son invention ou à sa création comme la version 2, 3 ou 4 de nouveaux modèles évolués. La rénovation, c’est d’améliorer constamment le même modèle, par exemple la version 1.1, 1.2 ou 1.3.
Selon M. Mock, la bonne attitude à avoir est celle qui privilégie l’innovation. Dans un contexte de manufacturiers innovants, il n’est pas nécessaire de se délocaliser ou d’automatiser sa production pour garder de meilleures marges; il faut plutôt innover. M. Mock est d’avis qu’il faut proposer quelque chose que le marché n’a pas encore demandé. Il cite le télécopieur, l’iPhone et la Swatch comme exemples d’inventions qui n’étaient pas recherchées à l'époque et qui ont connu de grands succès.
Un marché qui « flirte »
M. Mock indique qu’avec la montre Swatch, lui et ses partenaires visaient le marché de masse avec une montre suisse bon marché. Il utilise une comparaison judicieuse pour illustrer ce marché : une quête amoureuse. « Quand tu offres quelque chose au marché, il va toujours vouloir plus et payer moins. Comme en amour », a-t-il affirmé. Il faut donc constamment se placer en position d’analyser le marché, de l’anticiper et d'innover.
Le monde animal comme référence
Elmar Mock aime utiliser des références du monde animal pour illustrer ses propos. Chez l’animal, l’instinct de conservation se manifeste de deux façons. La première, c’est la survie : manger et ne pas se faire manger. La seconde, c’est la procréation. Selon lui, l’innovation, c’est la procréation.
Le cofondateur de Swatch emploie l’image de la grenouille et de l’oiseau pour illustrer le rapport à l’innovation de nos jours. La grenouille se compare aux applications mobiles qui pullulent sur nos téléphones. La grenouille pond mille œufs pour en voir deux survivre. L’oiseau, lui, prend soin de ses œufs. Il ne chasse pas et ne vole pas avec eux. Il les couve, puis les nourrit. Il sépare la chasse et la reproduction. Selon M. Mock, c’est là un facteur essentiel de succès.