Les entreprises québécoises sont de plus en plus nombreuses à faire des affaires à l'étranger. Pour bien profiter des occasions qui en découlent, les entreprises importatrices ou exportatrices doivent se prémunir contre les fluctuations des taux de change, faute de quoi leur performance financière risque d'en souffrir.
Toute fluctuation de la valeur du dollar canadien en regard du dollar américain, de l'euro ou d'autres devises a une incidence plus ou moins importante sur les prix des biens et services importés ou exportés par les entreprises du Québec. Conclure aujourd'hui une vente en euros qui ne se réalisera que dans six mois, par exemple, comporte un risque puisqu'on ne peut prévoir avec certitude le taux de change de l'euro par rapport au dollar canadien lors de la réception des euros dans six mois. Il existe heureusement des méthodes éprouvées pour se prémunir contre ce genre de risques (défini comme le « risque de change ») et éviter qu'une transaction envisagée comme étant profitable se transforme en perte. Les paragraphes suivants vous enseigneront quelques notions de base sur le risque de change et sa gestion.
« Les entreprises prennent des assurances pour protéger leurs biens et contrer les imprévus… Or, elles oublient malheureusement de protéger leur but ultime : le profit! »
4 étapes pour vous aider à contrôler le risque de change
Le choix de la stratégie dépend du degré de tolérance au risque; certaines entreprises vont protéger 90 % de leur risque de change, alors que d'autres n'en protégeront que 50 %, jugeant qu'elles sont en mesure d'absorber les conséquences d'une variation négative des taux de change. Les entreprises qui négocient pour au moins un million de dollars par année en devises étrangères ont la possibilité de consulter les cambistes de Desjardins; mais pour elles comme pour toute entreprise qui fait des affaires à l'international, la saine gestion du risque de change s'inscrit dans le cadre d’un cycle en quatre étapes :
1. définir ses enjeux et besoins en matière de risque de change;
2. choisir la stratégie optimale de couverture pour gérer ce risque;
3. choisir les instruments de couverture;
4. mettre en place et réviser régulièrement sa stratégie en fonction de l'évolution des besoins et des enjeux.
Comment se manifeste le risque de change?
Le risque de change est présent lorsqu’une entreprise a des dépenses et des revenus dans deux devises différentes. Dans le cas d'un importateur, le risque est lié au potentiel d'appréciation de la devise étrangère, puisqu'une telle appréciation l'obligerait à payer plus cher pour les produits importés. Inversement, dans le cas d'un exportateur, le risque est lié à la dépréciation de la devise étrangère par rapport au dollar canadien : un exportateur recevra en effet moins de dollars canadiens que prévu si la devise étrangère se déprécie à la suite d'une vente conclue auprès d'un client à l'étranger.
Le risque de change se manifeste aussi, par exemple, dans le cas d'entreprises qui affichent une liste de prix en début de saison, bien avant l'émission de factures à des clients étrangers, ou de projets d'infrastructure qui prévoient des paiements à l'achèvement de certaines étapes. Le risque apparaît dès que l'entreprise s'entend officiellement avec un fournisseur ou un client.
La meilleure stratégie n'est pas la même pour tous les modèles d'entreprise. De nombreux facteurs peuvent en effet influer sur le risque de change, selon qu'on importe ou exporte peu ou beaucoup, selon que les paiements sont effectués lors de la transaction ou à moyen terme, ou même selon les devises impliquées ou les pays où sont situés les clients ou fournisseurs avec lesquels on négocie.
Le dollar canadien, comme toute autre devise, varie en permanence, car il est sujet à des fluctuations dues à de nombreux facteurs, notamment les décisions concernant le taux directeur de la Banque du Canada et d’autres banques centrales, les cours de l'énergie, les événements à caractère géopolitique, les acquisitions d'entreprises canadiennes par des étrangers, etc. Prévoir les variations des taux de change n'est donc pas facile, et se fier à des prévisions comporte toujours un risque, d'où l'importance de se doter d'une politique qui permet de réduire le risque, quel qu'il soit, pour sécuriser la rentabilité de son entreprise.
Comment réduire, voire éliminer les risques?
Pour les entrepreneurs, plusieurs produits financiers sont offerts afin de les aider à se protéger contre le risque de change :
- le contrat à terme, dont le taux est fixé au moment où la transaction est effectuée tandis que le règlement financier se fera dans le futur;
- l'option d'achat ou de vente de devises, qui donne à l’entreprise le droit d'exercer ou non le contrat à un taux spécifique (prix de levée) si le taux de change évolue de façon défavorable pour elle;
- le swap de devises, qui permet de reporter ou de devancer un contrat à terme; il permet également d'éliminer le risque de change pour une entreprise dont les flux monétaires sont désappariés.
Trop de facteurs complexes sont en jeu dans l'évolution d'une devise pour qu'un entrepreneur puisse tenter de prévoir l’évolution des devises étrangères; il est donc essentiel de prévoir des moyens de se protéger. Votre cambiste peut vous aider à déterminer la stratégie de gestion du taux de change la plus appropriée pour votre entreprise compte tenu de son fonctionnement, de son degré de risque et de sa capacité de tolérance au risque. De plus, la nature de l’industrie dans laquelle œuvre l’entreprise ainsi que les marges de profit qui en découlent auront une incidence sur la stratégie de couverture. Plus la marge de profit sera faible, plus il devient primordial d’avoir une stratégie de couverture en place. Finalement, rappelez-vous que l’objectif premier d’une stratégie de couverture est de protéger la rentabilité d’une entreprise et non de spéculer sur l’orientation des devises étrangères. L’entreprise doit se concentrer sur ses activités et réduire ou éliminer les risques (ex. risque de change) pour lesquels elle n’a aucune expertise.
À propos de l’auteur
Martin Villeneuve, CFA – Directeur, devises, produits dérivés
Titulaire d’un baccalauréat en commerce (majeure en finance) de l’Université McGill, Martin Villeneuve s’occupe de la clientèle « corporative et institutionnelle » impliquée dans le commerce international et ayant des besoins de devises étrangères ou de swaps de taux d’intérêt. Après avoir travaillé dans le secteur des obligations, il œuvre maintenant dans le marché des produits dérivés de devises et de taux d’intérêt depuis plus de 10 ans. Son rôle est de conseiller les entreprises sur la gestion du risque de change et du risque de taux d’intérêt en leur proposant divers outils et stratégies conçus spécifiquement pour eux. Martin possède également le titre de CFA (Chartered Financial Analyst) depuis 2011.
Les opinions exprimées dans ce billet sont celles de leur auteur et ne représentent pas nécessairement celles de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. En conséquence, la Chambre ne peut en aucun cas être tenue responsable du contenu publié.