La technologie numérique est omniprésente, et elle occupe une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Toutefois, les modèles d’affaires et technologiques dépassés amènent bien des gens à se questionner sur les approches qu’adoptent les entreprises pour concevoir et proposer leurs produits et services numériques.
Cette situation alimente une insatisfaction face à la technologie bien que les gens utilisent la technologie plus que jamais. En fait, près des trois quarts (74 %) des dirigeants montréalais reconnaissent que la technologie fait maintenant partie intégrante de l’expérience humaine.
Nos recherches démontrent qu’il s’agit d’une préoccupation sociétale plus large, qui amènent des considérations importantes pour les entreprises. Il ne s’agit pas seulement d’une insatisfaction, mais plutôt d’un « tech-clash » ou choc technologique, c’est-à-dire une collision avec les anciens modèles qui ne correspondent plus aux attentes actuelles. Pour y remédier, les entreprises doivent trouver un équilibre entre leurs efforts pour réaliser des profits tout en répondant aux attentes de leurs clients.
La COVID-19 ne règle pas ce problème, elle l’aggrave. La pandémie mondiale a paralysé une grande partie des activités, mais l’innovation technologique est loin d’avoir cessé. Le besoin urgent de solutions a entraîné un effort d’innovation massif mené par les entreprises, les gouvernements et les particuliers, tous secteurs confondus. Cependant, se concentrer uniquement sur des objectifs immédiats pourrait nuire aux efforts visant à répondre aux attentes des gens à long terme, amplifiant ainsi le choc technologique. Le défi que nous devons relever comporte désormais deux volets : survivre à la COVID-19 et survivre au « tech-clash ».
L’attention devra être recentrée sur l’amélioration de l’expérience humaine. Il s’agit de remettre en question les hypothèses fondamentales sur le fonctionnement de l’entreprise, tout en préparant une transformation continue.
Le rapport annuel Vision technologique d’Accenture a cerné les grandes tendances technologiques qui sont les plus susceptibles d’avoir un impact sur les entreprises au cours des trois prochaines années, et nous pensons qu’elles seront plus pertinentes que jamais dans le monde post-COVID.
1. Des expériences personnalisées
La COVID-19 a considérablement transformé le rôle des expériences numériques dans la vie des gens. La prochaine génération d’offres commerciales est arrivée — des expériences collaboratives basées sur l’interaction client et sur un contrôle partagé de l’expérience. Pour 58 % des dirigeants montréalais, l’une des trois grandes priorités de leur organisation pour l’année à venir consiste à offrir des expériences hautement personnalisées pour les clients afin de vendre leurs produits ou services.
Suivant les mesures de distanciation sociale partout dans le monde, les plateformes et les expériences numériques facilitent, voire remplacent les interactions de nombreuses personnes, ce qui nécessite la mise à jour des anciennes stratégies d’engagement client. Autrement, les consommateurs risquent de se sentir de plus en plus isolés à une époque où ils ont soif de connexions virtuelles. Pour supporter cette soif d’interaction, les applications de vidéoconférence ont connu une croissance incroyable de la demande et ont augmenté la capacité de leurs serveurs.
Dans le domaine de la mise en forme, de jeunes entreprises comme Peloton ont profité de la volonté des consommateurs à se maintenir en forme durant la fermeture des salles d’entraînement et des studios de conditionnement physique. Virtuellement et selon leur propre horaire, les membres peuvent essayer un large éventail de cours dirigés par un entraîneur et axés sur des aspects spécifiques tels que la musculation, le cardio et même la méditation. Des fonctions communautaires telles que les messages personnalisés de l’entraîneur et la possibilité de féliciter d’autres membres contribuent grandement à maintenir la motivation des utilisateurs.
Avec l’assouplissement des restrictions en cours, les technologies émergentes telles que la 5G et la réalité augmentée (RA) entraîneront une explosion de nouvelles interactions et de nouveaux canaux pour ces expériences de collaboration similaires au monde physique. Mais le risque de dépasser les limites de la vie privée et de la personnalisation continuera de poser un défi aux entreprises.
2. L’intelligence artificielle (IA) et moi
Les humains et les machines sont deux forces incroyables pour l’innovation, la transformation et la croissance, et les organisations commencent à reconnaître qu’ils fonctionnent mieux ensemble. Les possibilités de la collaboration entre l’humain et l’IA n’ont jamais été aussi attrayantes qu’aujourd’hui. À Montréal, 79 % des dirigeants sont d’avis que la collaboration entre l’humain et la machine sera essentielle à l’innovation dans les années à venir.
Ayant déjà maîtrisé le potentiel d’utilisation des machines pour l’automatisation, les entreprises se tournent maintenant vers l’exploration des possibilités d’unir les talents des employés humains avec les capacités illimitées des machines pour créer des solutions inimaginables. Dans la foulée de la COVID-19, certaines entreprises ont utilisé les efforts conjoints de l’humain et de l’IA pour accélérer les processus de découverte de médicaments et d’autres pour repérer les tendances. Compte tenu des avantages pour la santé publique, la population fait de plus en plus confiance à l’IA, ce qui permet aux entreprises de faire évoluer la technologie.
Le 31 décembre 2019, l’entreprise canadienne BlueDot a repéré les 27 premiers cas suspects de pneumonie autour du marché d’animaux de Wuhan, en Chine, et a alerté les autorités. Les algorithmes de BlueDot scannent des centaines de milliers d’articles de presse chaque jour, ainsi que les données du trafic aérien et analysent des millions de sources d’information. Ces experts ont ainsi découvert ce qui est devenu la grande pandémie mondiale, neuf jours avant l’Organisation Mondiale de la Santé.
3. Le dilemme des appareils intelligents
Les aspects d’adaptation et d’agilité de la technologie numérique amènent des dilemmes intéressants. Les entreprises doivent maintenant composer avec le fardeau des prototypes. Lorsque les produits et services sont en constante évolution, leur valeur et leur utilité augmentent avec le temps plutôt que de s’estomper. Ceci a cependant un coût et requiert un investissement constant pour demeurer à jour.
La COVID-19 accroît notre besoin de produits et services évolutifs, particulièrement dans le domaine de la santé publique, mais elle est loin d’avoir éliminé les préoccupations relatives à la vie privée. Certains pays utilisent des données de géolocalisation pour retrouver les cas de COVID-19 et aviser les gens à proximité, alors que d’autres utilisent les produits technovestimentaires pour faire le suivi des patients actifs. Des entreprises de premier plan, comme Apple, mettent l’accent sur une communication claire en offrant d’accepter ou de refuser les évolutions, et ne recueillent que les données nécessaires, et ce, uniquement auprès des personnes concernées. De plus, elles s’engagent à désactiver la fonctionnalité des outils de suivi lorsque la pandémie sera terminée.
Vidéotron a lancé Radius, un bracelet vous permettant de savoir si vous vous situez à moins de deux mètres d’une autre personne afin de vous assurer de répondre aux exigences de distanciation physique au travail. Ce bracelet utilise la technologie Bluetooth pour identifier les interactions avec d’autres bracelets, et ce, sans avoir recours à la géolocalisation ou aux données personnelles de l’utilisateur. Sachant que les mesures gouvernementales dictées par l’INSPQ (Institut National de Santé Publique du Québec) évolueront, le bracelet Radius a été conçu pour permettre des ajustements, et ce, dans le respect de la vie privée.
Une des considérations clés pour les entreprises est la conception évolutive : lancer des produits même s’ils semblent « inachevés » selon les conventions. Les entreprises qui ne prennent pas en charge le besoin de changements et d’évolutions ne maximiseront pas leurs revenus. La clé est de concevoir rapidement avec une stratégie évolutive des produits et services.
4. Des robots dans la nature
La révolution des robots est arrivée. Les progrès de la robotique, des capteurs et de la reconnaissance vocale, combinés à la réduction des coûts du matériel et au déploiement de la 5G, permettent d’avoir des robots à plus grande échelle. Ils sont déjà venus en force pour aider à combattre la COVID-19; grâce à des drones qui parcourent les villes et des robots qui diffusent de l’information et veillent à l’application des exigences liées au confinement.
Le premier robot de désinfection par UV au Canada a été testé au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) à Montréal. Ce robot est programmé pour produire de la lumière ultraviolette concentrée en UV-C dans les endroits où l’on trouve un taux élevé de virus, de bactéries et d’autres types de microorganismes biologiques nocifs, afin de les éliminer. Fabriqué par la société danoise UV Disinfection Robots, il pourrait réduire les maladies infectieuses dans les hôpitaux.
L’utilisation de robots se fera de façon graduelle et prendra plusieurs années, mais on commence à voir cette vague de possibilités de nouveaux cas d’utilisation de la robotique, en particulier dans les secteurs non traditionnels. Les défis des entreprises robotiques, tels que la nécessité d’investir dans les talents et d’améliorer les compétences de la main-d’œuvre, deviendront rapidement des obstacles à l’échelle de l’entreprise. Il semble toutefois que ce soient des défis que nous sommes prêts à relever : 61 % des dirigeants du monde entier déclarent s’attendre à ce que leur organisation utilise la robotique dans des environnements « sans contraintes » au cours des deux prochaines années.
5. La structure d’innovation
En raison de la pression accrue sur le marché, les entreprises ne peuvent plus se permettre de rester immobiles ou de changer de manière trop progressive. La solution : créer des structures pour permettre l’innovation et l’utilisation de nouvelles technologies à leur disposition.
Une structure d’innovation repose sur trois éléments principaux : la technologie numérique accessible et dont l’utilisation est généralisée, les progrès scientifiques discrets, mais perturbateurs, et les technologies DARQ émergentes (les registres distribués, l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle et l’informatique quantique).
Dans notre nouvelle réalité, l’innovation tient un rôle important au sein des organisations et plusieurs ont mis en commun leurs ressources et leurs technologies afin d’arrêter la propagation du virus. Cette innovation a en plus accéléré la recherche de vaccins en employant la collaboration humain-machine fondée sur des systèmes d’intelligence artificielle. À Montréal, Mila a lancé un site web pancanadien nommé IA-Against-COVID. Celui-ci permet de structurer la collaboration entre les différents partenaires qui peuvent fournir des données massives provenant du secteur de la santé ou d’instituts de recherche. L’objectif est de mettre l’accent sur les projets les plus susceptibles de déboucher vers des solutions innovantes et, surtout, efficaces. L’analyse permettra de comprendre la progression de la COVID-19 en fonction des différents profils de patients et de définir plus clairement les cibles des agents antiviraux et des vaccins qui sont en cours de développement.
Cette pandémie oblige les entreprises à tester de nouveaux partenariats et de nouvelles possibilités, traçant ainsi la voie de la prochaine décennie. Les dirigeants commencent déjà à tisser ces liens et ainsi, à construire les bases d’un moteur d’innovation à travers un écosystème prêt à partager pour le bien de tous. Par exemple, certaines plateformes comme Uber Eats ont permis à de nombreux restaurants de rester ouverts pendant la pandémie, permettant ainsi à des gens d’avoir un emploi et attirant une nouvelle clientèle.
Améliorer l’expérience humaine
Les nouveaux modèles conçus par les entreprises doivent être fondés sur la collaboration. Au fur et à mesure que les effets de la technologie continuent de s’intensifier au sein de la société, les entreprises prospères seront celles qui suivront de nouveaux modèles pour inviter les gens (c’est-à-dire les clients, les employés, les partenaires ou le public) à créer conjointement leur nouvelle trajectoire.
Les défis de la pandémie ont apporté aux organisations une occasion unique – 1) une plus grande liberté créative pour transformer leurs produits et services, et faire évoluer leurs capacités, 2) et une grande ouverture pour l’utilisation des plateformes numériques. Qui aurait cru que vos parents utiliseraient Zoom ou WhatsApp? Les possibilités de façonner le monde post-COVID sont nombreuses.
À propos de l’auteure
Martine Lapointe est directrice générale du bureau de Montréal d’Accenture. Elle occupe également le poste de directrice générale de la pratique Technologie d’Accenture, où elle dirige le groupe SAP de l’entreprise.
Les opinions exprimées dans ce billet sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Par conséquent, la Chambre ne peut être tenue responsable du contenu publié.