Le fait que Montréal aspire à devenir une, sinon LA, capitale mondiale de l’intelligence artificielle n’est désormais plus un secret pour personne. En mai 2017, le gouvernement du Québec annonçait la formation d’un comité coprésidé par Pierre Boivin et Guy Breton pour guider la création de cette grappe industrielle québécoise et lui donner ses grandes orientations. Une somme de 100 millions de dollars a d’ailleurs été dégagée pour en assurer le développement au cours des cinq années suivant sa création. Et c’est sans compter les sommes qu’y ont ajoutées le gouvernement fédéral et le secteur privé.
Lorsque M. Boivin a présenté ses recommandations en juin 2018, une chose m’a frappé. Il a mentionné que pour devenir cette capitale de l’intelligence artificielle tant convoitée, il nous fallait être les meilleurs non seulement en recherche, mais également dans ses applications. Autrement dit, tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas démontré notre capacité à décliner cette science dans des domaines applicatifs probants, nous courrons à l’échec dans cette course mondiale.
Le commerce doit passer à l’ère de l’IA
L’intelligence artificielle, au sens commun du terme, peut être définie comme étant l’ensemble des théories et techniques mises en œuvre pour habiliter les machines à simuler l’intelligence humaine1. Est-ce à dire que lorsque l’on tente, à l’aide d’algorithmes et de données clients, de prédire le moment du prochain achat d’un client ou encore son départ pour la concurrence on utilise l’intelligence artificielle? Bien sûr que si!
Si Google, Facebook et Amazon, pour n’en nommer que quelques-uns, font figure de grands maîtres en la matière, il en va autrement pour plusieurs de nos grandes et moyennes entreprises québécoises. Je ne saurais dire si c’est une question de vision, de budget ou de taille, mais une chose est certaine, c’est qu’on doit se mettre en mode rattrapage si l’on aspire à rejoindre le peloton de tête.
5 conditions pour faire évoluer vos activités marketing à l’ère de l’IA
1. Mettre en valeur les données intelligentes (smart data)
Des données sur nos clients, nous en possédons tous. Elles résident dans les CRM, les systèmes-caisse, les systèmes intégrés de gestion (ERP), les solutions de marketing par courriel, les médias sociaux et autres plateformes numériques… Mais qu’en faisons-nous?
Bien exploitées, ces précieuses données sont indispensables à la compréhension du parcours client et à la personnalisation de l’expérience que nous souhaitons offrir à travers les divers canaux. C’est là toute l’intelligence de ces données.
Dans la plus récente « C-Suite Study »2 réalisée par IBM, 68 % des 13 000 dirigeants interrogés à l’échelle mondiale considèrent l’expérience client (CX) comme un moteur prioritaire pour améliorer leur proposition de valeur.
Privilégier l’amélioration de l’expérience client, c’est tirer le maximum de vos données intelligentes pour offrir des services à la hauteur des attentes et des besoins de vos consommateurs. Les données intelligentes = votre premier terrain de jeu en matière d’intelligence artificielle.
2. Consolider les données clients
Si j’avais à avancer un chiffre, j’affirmerais, sans trop de crainte de me tromper, que plus de 90 % des organisations québécoises, toutes tailles confondues, n’ont pas encore réussi à constituer cette fameuse vue client 360o.
Pourtant, les données clients ne peuvent atteindre leur pleine valeur pour une organisation que si elles sont consolidées et donc pleinement interprétables. Si je dois naviguer manuellement de système en système pour connaître la valeur et le potentiel d’un client pour mon organisation, il sera impossible d’envisager d’implanter des stratégies d’engagement intégrées, automatisées, cohérentes et performantes ayant pour base l’IA.
Sans vue intégrée client, il vous sera toujours possible d’implanter des algorithmes spontanés (trigger marketing) que certains associent à l’IA. Cette technique, bien qu’efficace pour générer des occasions de vente à court terme, n’atteindra jamais le plein potentiel d’une approche intégrée qui prend en considération l’ensemble de la connaissance client dans l’élaboration des offres et qui analyse sa réaction aux actions marketing.
3. La vision avant la technologie
Les éléments disponibles sur le marché pour l’élaboration d’écosystèmes clients performants existent depuis bien au-delà d’une décennie et sont matures. Et, bonne nouvelle, au fait des grandes tendances, les éditeurs de ces solutions ont déjà commencé à y intégrer des fonctionnalités d’IA afin de répondre aux besoins grandissants de leurs marchés. Mais attention, ce n’est pas parce que la technologie supportant l’IA existe que son succès est assuré dans nos organisations puisque Gartner rapporte encore un taux d’échec de l’ordre de 40 % dans les implantations de systèmes clients3 desquels font désormais partie certaines composantes d’IA.
L’une des principales raisons pour lesquelles les attentes ne sont pas satisfaites tient au fait qu’on procède trop souvent à l’acquisition d’une technologie avant même d’avoir réfléchi à ce qu’on voudra précisément lui faire faire. Ce sera d’autant plus vrai pour l’IA, domaine que les entreprises ne maîtrisent que partiellement. Il importe donc de bien se documenter, d’établir une vision cible de ce qu’on veut accomplir et de déterminer les premiers jalons à mettre en place, et ce, pour éviter d’acheter un canon pour tuer une mouche.
4. Bien situer le niveau de maturité de son organisation
S’il est normal de vouloir mettre les bouchées doubles quand on sait qu’il y a un retard à rattraper, il ne faut pas pour autant sauter des étapes. Une feuille de route est donc de mise. Mais comme le dit le dicton, si l’on veut savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on part. Voilà pourquoi il faut situer objectivement notre niveau de maturité marketing afin d’adopter une démarche qui respecte qui l’on est comme organisation, ce qu’on veut accomplir, dans quel horizon de temps.
5. Obtenir l’aval de la direction
Chaque organisation possède sa propre recette marketing ou son propre « mix marketing ». C’est en fait la combinaison d’activités marketing qui, année après année, a fait le succès, voire la renommée de l’entreprise. Cette recette est parfois si ancrée dans la culture organisationnelle qu’elle a su résister à plusieurs générations de titulaires marketing sans avoir été significativement altérée.
J’ai pu observer dans le temps que ce qui motive ce statu quo c’est généralement la crainte d’affecter négativement les ventes. Aussi, parce que la contribution réelle de chacun des éléments de cette recette n’est pas facilement mesurable, on tarde à en changer la composition.
Intégrer un nouvel ingrédient à la recette n’est souvent pas chose facile et, paradoxalement, il faut alors justifier financièrement l’ajout du nouvel élément pour remplacer ceux dont la contribution n’a jamais été mesurée… De plus, investir dans l’intelligence artificielle, c’est investir dans l’inconnu, dans l’abstrait, un geste beaucoup plus difficile à justifier qu’une campagne de publicité à haute visibilité. Dans ce contexte, partager sa vision avec la haute direction afin qu’elle la fasse sienne est primordial; la volonté et l’engagement de la haute direction seront indispensables à une mise en place réussie.
En résumé, le virage vers l’IA est incontournable pour toute organisation qui aspire à rester dans la course, et ce, quel que soit son secteur d’activité. Il est bien plus facile de s’y mettre qu’on peut le croire a priori… il suffit d’être bien accompagné!
À propos de l’auteur
Jean-Marc Gravel est président d’InTgral, une entreprise qu’il a cofondée en 1990 et dont la mission est d’accompagner les organisations, tous secteurs confondus, dans leurs efforts de développement par l’utilisation et la mise en valeur des données. Précurseur de l’analytique client et plus particulièrement de l’intelligence artificielle appliquée au commerce, il a contribué, avec son équipe, à la formation et au développement de cette jeune et porteuse discipline.
Les opinions exprimées dans ce billet sont celles de leur auteur et ne représentent pas nécessairement celles de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. En conséquence, la Chambre ne peut en aucun cas être tenue responsable du contenu publié.
1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_artificielle
2 https://www.ibm.com/downloads/cas/Y9JBRJ8A
3 https://cetaf.qc.ca/nouvelles-et-evenements/crm-et-entrepreneurs-cvacr/#logicielcrm