Les quatre profils d’usagers redéfinissant le transport en commun


La COVID-19 a donné naissance à de nouveaux comportements, habitudes et rituels en matière de mobilité. Lesquels de ces changements perdureront, et de quelle manière les exploitants de transport en commun peuvent-ils s’adapter pour s’assurer de garder à bord les anciens et les nouveaux passagers?

Les gens sont attachés à leurs habitudes – jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus.

Avant la pandémie, les agences et les exploitants de transport en commun s’adressaient à quelques segments distincts de la population, notamment les navetteurs travaillant de 9 h à 17 h, les travailleurs de quarts et les voyageurs d’agrément. Cependant, l’entrée en vigueur d’une série de restrictions gouvernementales visant à freiner la propagation du virus de la COVID-19 a fait tomber l’achalandage dans les trains et les autobus à un creux historique. Par exemple, la Société de transport de Montréal a vu son achalandage pour l’année 2020 baisser de 54,2 % par rapport à 2019.

Au cours des mois suivants, les gens ont fait le point sur plusieurs aspects de leur vie – leurs priorités, leurs valeurs et leurs habitudes. Alors que les restrictions sont peu à peu levées, force est de constater que plusieurs nouveaux comportements adoptés par la population sont là pour rester, y compris en matière de déplacements et de transport.

Une nouvelle étude mondiale réalisée par Accenture, portant sur les mentalités, les préférences et les comportements des utilisateurs du transport en commun, révèle que l’achalandage pourrait bientôt revenir aux niveaux d’avant la pandémie, mais que les usagers seront fondamentalement différents. Par conséquent, les exploitants de transport en commun devront répondre aux nouvelles attentes des usagers en matière de propreté, d’affluence, de confiance et de transparence, tout en s’adaptant à l’avenir de ce secteur et en contribuant à le façonner.

Nous vous présentons ici les quatre nouveaux profils d’usagers du transport en commun ainsi que la façon dont les agences peuvent les regagner en jouant le rôle de fournisseur d’expérience plutôt que celui de simple exploitant.

L’usager résilient

À l’intérieur de la tête de ce type d’usager : « L’utilisation du transport en commun est une expérience positive pour moi. C’est mon temps à moi. Ça me permet de lire mes courriels et personne ne me dérange. »

Dans le contexte du passage au télétravail, les usagers résilients se sont montrés plus agiles que jamais, se détachant du système de transport en commun pour passer des journées entières à répondre à des appels en lien avec leur travail devant leur ordinateur portable ou à s’occuper de leur famille – tout en ne subissant aucune baisse de revenus.

Les nouveaux rituels et passe-temps des gens, que ceux-ci soient forcés de les adopter ou qu’ils y adhèrent personnellement, feront certainement partie de leur avenir – notamment l’augmentation des achats et des dépenses de loisirs en ligne, une réponse donnée par près de la moitié des usagers résilients (45 %). Les exploitants de transport en commun devraient prendre cela comme un appel à l’action pour explorer comment ils peuvent devenir un fournisseur de services communautaires unifiés. Metrolinx en Ontario s’est récemment associée au service d’épicerie de PC Express, permettant aux usagers de commander leur épicerie le matin et de la ramasser dans l’un des casiers situés dans certaines stations GO lors de leur retour à la maison. Elle a également étendu un projet pilote permettant le dépôt et le ramassage sécurisé de colis par Purolator afin d’aider les usagers à gagner du temps et à faire le suivi de leurs colis.

Il existe suffisamment de preuves que les usagers résilients reviendront au transport en commun lorsqu’ils pourront le faire en toute sécurité. Par exemple, après avoir travaillé à domicile pendant plus d’un an et s’être sentis plus heureux que jamais (18 %), plus de la moitié des membres de ce groupe (57 %) ont déclaré qu’ils retourneraient probablement au bureau s’ils en avaient la possibilité. Même si ces usagers ne devaient revenir au travail qu’à temps partiel, les exploitants qui investissent dans des services à valeur ajoutée, comme une connexion Wi-Fi à bord et l’amélioration de l’expérience individuelle, s’assureraient de faire du transport en commun le mode de transport préféré de ces utilisateurs. Les exploitants de transport en commun qui arriveraient à regagner les usagers de ce groupe seraient également les mieux placés pour rejoindre la portion (63 %) des clients interrogés ayant déclaré être prêts à payer plus que leur tarif actuel pour bénéficier de meilleures expériences en matière de sécurité, d’hygiène, de confort et de commodité.

L’usager dépendant

À l’intérieur de la tête de ce type d’usager : « Mon niveau de stress me préoccupe beaucoup. Dans les transports en commun, j’aurais peur que la dernière personne à avoir occupé ce siège me donne la COVID-19. »

Malgré le fait qu’une grande partie du monde ait été paralysée au cours de la dernière année, les exploitants de transport en commun ont continué à jouer un rôle essentiel dans la vie des personnes qui devaient continuer de se rendre au travail (comme les employés de première ligne), qui ne conduisent pas de voiture ou qui ne peuvent s’en payer une. Ce groupe d’usagers quotidiens et fréquents, composé en grande partie de femmes, pourrait remonter à bord, si ce n’est déjà fait, mais probablement pas par choix. De plus, la santé et la sécurité seront certainement au cœur de leurs préoccupations.

De nombreux usagers dépendants ont déclaré avoir du mal à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée (68 %) en travaillant à domicile (64 %), et se sentir plus anxieux face à l’avenir (82 %). Le fait de monter à bord d’un train ou d’un autobus à la réouverture des bureaux continuera d’apporter aux usagers appartenant à ce groupe du stress supplémentaire, obligeant les exploitants de transport en commun à adopter des mesures qui les rassureront.

Les exploitants devront s’assurer que les usagers dépendants reçoivent les informations dont ils ont besoin pour se sentir à l’abri d’une contamination et pour avoir l’impression d’être importants aux yeux des exploitants. Pour s’en assurer, ceux-ci devront trouver des moments de micro-interaction permettant de renforcer la confiance des usagers de ce groupe, surtout au cours de leur trajet. Cela comprend l’utilisation de la technologie pour l’envoi en temps réel de notifications et pour la planification des déplacements concernant les itinéraires de rechange et la connexion du dernier kilomètre, la préparation aux heures de pointe et la gestion des foules, ainsi que la mise en œuvre d’heures ou de sections « calmes », en plus des nouveaux protocoles de santé et de sécurité comme les points sans contact.

L’objectif ultime des exploitants devrait être de savoir quand et comment intervenir pour améliorer la façon dont les passagers interagissent avec le réseau et s’y déplacent, en particulier lorsqu’ils le réintègrent après une année aussi agitée. Les entreprises de transport en commun pourraient également récompenser les comportements positifs qui encouragent les autres usagers à se respecter mutuellement, comme le fait de voyager en dehors des heures de pointe en échange d’une réduction ou d’embarquer plus loin sur le quai pour maximiser la distance physique.

L’usager réfléchi

À l’intérieur de la tête de ce type d’usager : « Pour moi, le transport en commun est très important. Je l’utilise très souvent pour me rendre au travail, pour mes loisirs et tout le reste. En fait, c’est vraiment important pour moi. »

Un nouveau groupe d’usagers réfléchis – composé principalement de millénariaux, d’employés à temps partiel et de travailleurs indépendants – se préoccupe de plus en plus de sa santé et de celle de ses proches (96 %) et continue de renforcer les liens avec ses amis et sa famille de manière virtuelle (22 %). À mesure que certaines restrictions sont levées et que la mobilité redevient la norme, les usagers de ce groupe sont plus enclins à adapter leur emploi du temps afin d’utiliser le transport en commun en dehors des heures de pointe ou de faire moins de trajets par semaine. À l’inverse, d’autres pourraient avoir envie de voyager plus souvent, mais probablement pour leurs loisirs et de manière plus consciencieuse qu’auparavant.

La voie à suivre pour gagner les usagers réfléchis est double. Les agences et les exploitants devront instaurer la confiance tout au long du parcours du client, puis mettre en avant de nouvelles intentions de voyage, notamment de nouvelles destinations. Pour ce faire, les exploitants pourraient explorer des partenariats avec les secteurs locaux du voyage et de l’hôtellerie et proposer des itinéraires de voyage de loisirs le week-end. De plus, les exploitants de transport en commun devraient envisager de commercialiser le transport en commun comme un véhicule d’aventure et proposer des offres autour du transport vers les événements sportifs et les festivals locaux – tout ce qui peut rendre le transport en commun plus attrayant.

L’intégration des tarifs avec les fournisseurs de transport régional et les services de covoiturage, ainsi qu’au sein du réseau, comme la structure tarifaire simplifiée prévue par l’Autorité régionale de transport métropolitain, contribuerait à rendre l’expérience aussi transparente que possible. Ce type d’offre permettrait aux usagers d’obtenir plus facilement un billet et de payer automatiquement à la fin de leur trajet, ce qui stimulerait la collaboration en matière de données ouvertes entre les exploitants de transport en commun et les municipalités.

L’usager résigné

À l’intérieur de la tête de ce type d’usager : « Je n’utilise plus le transport en commun depuis très longtemps. Je n’en ai pas besoin. »

Qu’il soit à la retraite, sans emploi ou télétravailleur, ou qu’il se déplace rarement, l’usager résigné a troqué son abonnement de transport en commun pour un véhicule privé (24 % des répondants) ou pour une maison à la campagne (15 %). Pour ce groupe d’usagers, le passage à une formule « tout à distance » pendant la pandémie aura été un changement heureux dans leur mode de vie, si ce n’était pas déjà le cas.

Les usagers résignés seront les plus difficiles à regagner, car ils ont été les premiers à partir; la plupart d’entre eux ne sont pas prêts à se déplacer et, s’ils devaient le faire, ce serait une situation anxiogène pour eux. Offrir l’accessibilité au-delà des centres urbains – en reliant les gens du premier au dernier kilomètre par une collaboration avec les services locaux et les fournisseurs de services de covoiturage, en particulier dans les régions éloignées – aiderait à faire changer d’idée les usagers traditionnellement desservis par des services de transport moins efficaces. De leur côté, en n’ayant pas à investir dans le prolongement de leur service de base vers des localités éloignées, les exploitants bénéficieraient d’une meilleure rentabilité.

Autre considération clé : la durabilité étant une valeur essentielle pour les usagers résignés, les exploitants devraient envisager des moyens de réduire les inégalités géographiques et les émissions de CO2, comme l’électrification de leur parc de véhicules et des offres de transport en commun plus écologiques.

Achalandage, rituels et relations : prochaines étapes

La COVID-19 continue de perturber et de dévaster des vies, des modes de vie et des entreprises, et il faudra compter plusieurs années avant un retour à la normale. Il faut s’attendre à ce que l’achalandage fluctue en fonction de l’état de la pandémie, à ce que les rituels introduits par la COVID se poursuivent ou se dissipent au fil du temps, et à ce que la relation entre les entreprises de transport en commun et les usagers change fondamentalement, compte tenu des nouveaux besoins et désirs de base des gens. Plus d’un an de confinement a conduit de nombreuses personnes à investir dans leur maison afin d’en faire un petit nid douillet, et faire sortir les gens de leur nouveau sanctuaire constituera un réel défi. La Toronto Transit Commission n’est pas la seule à dire qu’elle ne s’attend pas à ce que les niveaux d’achalandage normaux soient rétablis à court terme, évoquant plutôt un retour à la normale en 2023.

Du point de vue des agences, les vieilles habitudes ne feront pas revenir les gens, et il est donc temps de faire les choses différemment. Les exploitants de transport en commun doivent saisir cette rare occasion de transformer le trajet ordinaire d’un usager en une expérience qui inspire confiance, qui met l’accent sur les espaces sécurisés et qui reflète le rôle de l’exploitant dans la communauté en tant que gardien de l’environnement, du bien-être personnel et de la mise en relation des personnes et des collectivités.

À propos des auteurs

Michael English est directeur général du transport collectif et ferroviaire pour l’Amérique du Nord chez Accenture. Michael mise sur la conception et la mise en œuvre de stratégies qui favorisent l'expérience client et l'amélioration de la marge d'exploitation dans les secteurs du transport en commun, du rail et du transport.

Rami Lama est directeur général chez Accenture Interactif, où il est le responsable de Fjord au Canada, un cabinet de conseil en innovation et design. Le leadership de Rami permet à son équipe de réaliser des transformations numériques et des solutions complexes grâce à leurs prouesses de conception et leurs capacités d'innovation.

Les opinions exprimées dans ce billet sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Par conséquent, la Chambre ne peut être tenue responsable du contenu publié.

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