Les progrès récents en intelligence artificielle sont incontestables. On constate déjà les avantages de plateformes comme ChatGPT pour obtenir, organiser et créer des contenus. Les entreprises améliorent leurs processus et sont plus efficaces, au grand bénéfice de leurs clients et de leurs employés.
Cependant, on assiste en parallèle à l’émergence de voix toujours plus fortes pour nous rappeler notre responsabilité historique : celle d’éviter le risque de dérapage qui pourrait devenir existentiel pour l’espèce humaine.
Ici même, à Montréal, nous avons eu le privilège d’assister dans le cadre de C2MTL à une conversation bouleversante entre Yuval Noah Harari, le réputé historien et auteur du livre à succès Sapiens, et Yoshua Bengio, chercheur et sommité mondiale en intelligence artificielle, sur les enjeux découlant du développement extrêmement rapide de l’IA générative.
Comme le rappelait M. Harari, l’intelligence artificielle générative est fondamentalement différente de toutes les technologies développées jusqu’ici. Dès son déploiement, elle pourrait devenir omniverselle (présente partout), omnisciente (connaissante de tout), omnipuissante (capable de tout) et surtout autonome (capable de décider par elle-même).
Capable de penser et de créer des idées toute seule, elle pourrait se substituer à notre contrôle et nous « prendre une partie de notre pouvoir » sur nos vies et nos sociétés.
C’est tout notre rapport au monde et à l’humain qui pourrait être bouleversé.
Encadrer, sans tarder!
Dans ses échanges, Yoshua Bengio a insisté sur le flou entourant le moment où il pourrait être trop tard. Les technologies évoluent rapidement, et le point de bascule pourrait être dans vingt ans… comme dans cinq.
Plusieurs territoires, comme l’Union européenne et les États-Unis, ont bien avancé leurs travaux pour encadrer le développement de l’IA et tenter d’en baliser les applications.
Chez nous, le ministre Champagne s’y attaque avec le projet de loi C-27.
La loi d’encadrement offre l’avantage de permettre une souplesse d’application face à un phénomène en constante évolution. Elle sera nécessairement précisée par voie réglementaire.
En effet, il serait vain de vouloir fixer dans le béton des mesures calibrées pour l’état actuel de la technologie alors qu’elles pourraient être désuètes dans moins d’un an.
Il y a urgence d’adopter cette loi. La nomination par le ministre Champagne d’un commissaire à l’encadrement du développement de l’IA va aussi dans la bonne direction.
Mener par l’exemple, à partir de Montréal
Le risque que pose le développement accéléré de l’IA ne doit pas nous faire oublier les immenses bienfaits que peut entraîner cette avancée pour notre qualité de vie. Amélioration de nos capacités de soigner la population, augmentation marquée de la productivité, élimination de tâches aliénantes pour les humains, possibilités infinies de découvertes, d’innovation et de créativité… le potentiel est immense.
Pour ces raisons, rares sont ceux qui croient qu’on pourra revenir en arrière et cesser le développement de l’IA.
Montréal et le Canada sont à l’avant-garde de la réflexion mondiale sur le développement de balises pour éviter le risque d’une évolution incontrôlée. Grâce à notre écosystème, nous pouvons mener par l’exemple la recherche d’un équilibre entre un encadrement restrictif et un appui à l’innovation et au déploiement de l’IA.
Une chose est certaine, les enjeux sont majeurs. M. Harari a été très clair sur les dangers déjà présents que pose le risque de manipulation des propos et des images pour la santé de notre démocratie. Que se passerait-il si l’intelligence artificielle était mobilisée par un pays ou un groupe désireux de déstabiliser une société démocratique?
Le défi est immense, à nous d’être à la hauteur.