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Allocution de monsieur Robert Tessier,
Président et chef de la direction, Gaz Métro La Chambre de Commerce du Montréal métropolitain
Le 17 mai 2005
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Bonjour,
Un mot d'abord pour remercier la Chambre de me donner cette tribune privilégiée pour exprimer mes vues sur un sujet qui me tient beaucoup à cur : le développement durable. Je n'allais pas rater cette occasion de mettre de l'avant, pour une fois, comme chef d'entreprise, ma formation de base en sociologie.
Dans un premier temps je vous parlerai de ma conception du développement durable, pour, par la suite, l'appliquer à Montréal. Je me permettrai, en conclusion, d'esquisser comment le développement durable se traduit dans nos activités de tous les jours, chez Gaz Métro, ainsi que dans notre vision d'avenir.
Le terme développement durable est, comme vous avez dû vous en rendre compte, particulièrement à la mode ces jours-ci. Tout le monde et son père s'en réclament, mais tous ne le définissent pas de la même façon.
C'est, il faut le reconnaître, un concept qui recouvre une réalité très vaste et très complexe, qui englobe à la limite toute l'activité humaine. Il ne faut donc pas se surprendre si, comme dans une auberge espagnole, on y trouve finalement ce que l'on y apporte.
La meilleure façon que j'ai trouvé pour ne pas m'égarer est de me référer à une représentation graphique issue du sommet de Rio en 1992 et qui à mon sens résume bien ce dont il est question.
Le développement durable se trouve à l'intersection de l'économique, du social et de l'environnemental.
C'est une zone d'équilibre où ces trois réalités se conjuguent pour donner un cadre de vie bénéfique aux citoyens d'aujourd'hui, sans léguer un lourd passif aux générations suivantes.
Il s'agit d'un équilibre fragile, sans cesse à redéfinir. C'est la zone privilégiée où les activités économiques, sociales et environnementales agissent en symbiose. Idéalement, elles se renforcent les unes les autres au lieu de s'opposer.
Ainsi, si l'on insiste trop sur l'environnement au détriment de l'économique, les capacités financières vont venir à manquer pour maintenir les acquis sociaux en matière d'éducation, de santé et de sécurité sociale et, à la limite, il serait même difficile de soutenir les investissements requis pour maintenir un environnement sain.
Par contre, si le développement économique se fait au détriment de la qualité de l'air, de l'eau ou des sols, on s'achemine forcément vers la catastrophe à moyen ou long terme.
Dans tous les cas, si l'on ne gère pas le développement de façon équitable, on risque fort la dégradation du tissu social avec les troubles que cela entraîne, dont la violence, pour n'en citer qu'un.
Le développement durable est une orientation incontournable dans un monde de six milliards de personnes où les ressources de la planète sont chaque jour davantage lourdement taxées.
C'est une réalité qui s'impose avec encore davantage de force dans un milieu fortement urbanisé, où les erreurs du passé et les mauvaises pratiques d'aujourd'hui ne peuvent qu'affecter sérieusement la qualité de vie.
Rien de mieux pour illustrer cette réalité que de prendre un peu de recul historique. Montréal, au 19ième et début du 20 ième siècle était la métropole incontestée du Canada, le lieu où se vivait sa révolution industrielle.
Des entreprises majeures sont nées de cette effervescence et des fortunes importantes ont été édifiées. De magnifiques legs architecturaux demeurent encore présents sous nos yeux pour nous rappeler cette époque glorieuse.
Mais, en contrepartie, les citoyens de Montréal se sont vus amputés de leur accès au fleuve et nous payons encore le prix de décontamination des terrains où ont été déversés quantité de matières polluantes. Et que dire de la pollution de nos cours d'eau.
Ce n'est que récemment, avec les progrès technologiques, la disponibilité de capitaux et surtout un souci grandissant pour l'environnement, que plusieurs grandes friches industrielles ont pu être remises en valeur et les cours d'eau dépollués. Mais beaucoup reste encore à faire.
Il faut aujourd'hui éviter le même genre d'abus qui ont été commis jusqu'au milieu du siècle dernier et nous efforcer de léguer, à notre tour, aux générations futures des monuments, mais cette fois en respectant l'environnement.
Je veux ici souligner la vision de Monsieur le Maire Gérald Tremblay qui a fait adopter le mois dernier le premier plan stratégique de développement durable de la collectivité montréalaise.
Gaz Métro est fière d'être un des partenaires qui se sont engagés dans cette initiative.
Le plan stratégique mis de l'avant présente des défis stimulants pour améliorer la qualité de vie de l'ensemble de notre collectivité. Mais il faut être conscient que l'amélioration de la qualité de l'air, de l'eau et des sols ne se fera pas sans des investissements importants, mais aussi, et je dirais surtout, sans l'engagement des entreprises et des citoyens eux-mêmes.
Par exemple, la remise en état des infrastructures souterraines d'égout et d'eau potable s'impose, car elles sont dans un état de vétusté gênant pour une ville moderne.
Comment aspirer au développement durable sans un réseau adéquat d'eau potable? La ville a investi dans deux usines performantes de traitement de l'eau potable, mais on a laissé le réseau souterrain qui distribue cette eau se détériorer.
Aujourd'hui, 40% de l'eau traitée ne se rend pas à destination. On utilise des produits chimiques et de l'énergie en pure perte sans compter les dommages que ces fuites causent aux rues et les font paraître par endroits comme des zones sinistrées. Ces fuites provoquent aussi la détérioration des autres réseaux souterrains, dont le nôtre. C'est le contraire du développement durable.
L'annonce des fonds pour la réfection des infrastructures en provenance du fédéral et de la province est une très bonne nouvelle. Il est à souhaiter que les fonds arrivent vite, car la situation est urgente.
Mais ce qui est encore plus encourageant, c'est la décision de la ville de créer un fonds dédié à la remise en état de ses infrastructures d'eau. Ce fonds alimenté par taxation et tarification devrait à terme permettre de financer le coût complet de l'usage de cette ressource. Cela va donner un bon signal de prix et amener ainsi progressivement une sensibilisation de tous à l'importance de faire un usage réfléchi de l'eau potable. La nature humaine est ainsi faite que ce qui est gratuit n'est pas apprécié à sa juste valeur.
Comment expliquer autrement que l'on résiste à payer un dollars le mètre cube pour l'eau potable publique, ce qui représente à peu près son coût réel ici à Montréal, alors qu'à l'épicerie on achète sans hésitation de l'eau en bouteille qui revient à plus de 1 000 dollars le mètre cube? Les économistes, et certains sociologues, vous diront: « sans un bon signal de prix, la ressource est gaspillée. »
Que ce soit pour la conservation de l'eau et de l'énergie, pour la réduction des émissions polluantes ou la disposition des déchets ou encore tout simplement pour la propreté de nos lieux et de nos rues, l'implication, non, l'engagement actif de tous les citoyens est un incontournable.
Si on compte seulement sur les employés de la ville pour faire tout le travail, ce sera une mission impossible et ruineuse. Le civisme doit revenir à l'ordre du jour et remplacer le cynisme et le je m'en foutisme.
Le plan de développement durable de Montréal est un bon début et je l'ai dit, nous y souscrivons. Mais je dois faire remarquer que ce plan est plutôt timide, voir presque silencieux, lorsqu'il est question du volet économique du développement durable. C'est pourtant une dimension essentielle sans laquelle le développement durable ne peut se réaliser. On le constate, seules les grandes villes prospères peuvent se permettent des préoccupations sociales et environnementales
Restons dans les infrastructures si vous le voulez et voyons comment les activités de Gaz Métro s'inscrivent dans la logique du développement durable. Et rassurez-vous, si notre réseau de gaz affichait 40% de perte, ça se sentirait et je ne serais pas ici pour vous en parler!
Dès le premier abord, notre contribution économique est évidente. Nous livrons dans la région de Montréal pour plus d'un milliard de dollars en gaz naturel, un intrant énergétique indispensable à nos industries, à nos institutions, à nos commerces et, de plus en plus, à nos résidences.
Nous avons plus de 1 000 employés basés à Montréal, où nous retrouvons la grande majorité de nos clients, en nombre sinon en volumes. Nous travaillons sans relâche pour offrir à cette clientèle un service sécuritaire, fiable et le moins cher possible. Nous travaillons avec passion, méthode et détermination pour atteindre ces trois objectifs, avec un certain succès faut-il le dire. Gaz Métro, en effet, est une compagnie hautement appréciée de ses clients, respectée par la population, où il fait bon travailler et où les investisseurs trouvent un certain confort.
C'est bien qu'il en soit ainsi car le produit que nous distribuons n'est pas une commodité comme les autres. C'est de l'énergie, et pour une métropole comme Montréal, l'énergie ne peut pas faire défaut.
Au plan social, Gaz Métro est associée à plusieurs uvres et activités qui en font un citoyen corporatif engagé et responsable.
Nous contribuons à soutenir par des dons et commandites de plus de un million de dollars annuellement les universités, plusieurs hôpitaux, de nombreuses activités culturelles, ainsi que des organisations vouées à la santé et au bien-être de la population du grand Montréal. Nous encourageons nos employés à s'engager de façon bénévoles dans ces uvres et un grand nombre le font avec énergie et passion.
Je voudrais ici souligner que notre siège social est situé aux abords d'Hochelaga-Maisonneuve, un des quartiers urbains les plus pauvres au Canada. Nous n'avons pas à faire de détour pour rencontrer la misère et la détresse. Cela a amené la Compagnie, mais surtout un grand nombre de ses employés à faire leur part pour soutenir les plus démunis et encourager les jeunes. Nous parrainons dans ce quartier des écoles et des projets communautaires qui favorisent l'insertion sociale et ouvrent des portes à l'espoir.
Je m'implique personnellement depuis plusieurs années dans Centraide parce que j'ai la ferme conviction que si Centraide n'existait pas et que le réseau de 340 organismes et de 68 000 bénévoles qu'il supporte cessait d'être actif, Montréal serait bien mal en point. Si vous ne le faites déjà, je vous invite à faire un don à Centraide, c'est un placement très rentable pour vous, mais aussi pour vos enfants.
Après les volets économique et social, nous voilà rendu à l'environnemental.
Comme principale activité, Gaz Métro distribue une énergie fossile qui, par définition, est non renouvelable. Compte tenu de son efficacité en matière de chauffe et de procédés, ainsi que de ses avantages par rapport aux autres énergies fossiles, nous n'avons aucune hésitation à en faire la promotion, tout en encourageant un usage responsable. J'y reviendrai.
Gaz Métro est d'ailleurs la première utilité canadienne à avoir obtenu l'accréditation à la norme ISO 14 001 et à s'être ainsi engagée à appliquer les plus hauts standards de conservation dans tous les aspects de son activité. Que ce soit dans ses opérations gazières, dans la gestion de ses propriétés ou le recyclage de ses déchets, elle applique des procédures strictes qui font l'objet de contrôles internes et d'un audit externe périodique.
Nous avons aussi été des leaders dans l'élaboration, la promotion et la gestion de programmes d'efficacité énergétique. De plus, nous collaborons avec des représentants de nos clientèles et de groupes environnementaux dans la gestion d'un fonds d'efficacité énergétique. Ces programmes sont à ce point efficaces qu'en pratique les économies d'énergie générées depuis 2001 sont équivalentes à la consommation des 14 000 nouveaux clients résidentiels acquis durant la même période. Voilà qui est selon moi un excellent exemple de développement durable.
Outre le gaz naturel, Gaz Métro s'intéresse depuis plusieurs années aux techniques d'avant-garde pour la remise en état et la gestion responsable des réseaux d'aqueducs et d'égouts. Nous avons acquis et développé deux compagnies, Aqua Data et Aqua Rehab, l'une spécialisée dans le diagnostic de l'état de réseaux et l'autre dans leur réhabilitation.
Aqua Data dispose d'une technologie novatrice qui permet de connaître avec précision l'état des réseaux et en conséquence d'établir des plans et les modes d'intervention appropriés.
Aqua Rehab, pour sa part, peut, par sa technologie, remettre en état des conduites, sans avoir à ouvrir les rues, en insérant à l'intérieur des tuyaux un revêtement qui en assure l'étanchéité. On réduit les coûts et on évite l'inconvénient de fermer les artères à la circulation, ce qui présentement à Montréal n'est pas un luxe.
Revenons maintenant si vous voulez bien, au gaz naturel. Cette énergie est la plus propre des énergies fossiles. Sa combustion est une solution à la pollution atmosphérique, dont le smog, puisqu'elle émet très peu d'oxyde de souffre et d'azote, et pas de poussière.
Par ailleurs, sa combustion qui dégage du gaz carbonique contribue à l'effet de serre, d'où, comme je vous l'ai dit, nos efforts pour en assurer le meilleur usage possible.
Aujourd'hui, partout dans le monde où il est disponible, à quelques exceptions près, dont le Québec, le gaz naturel est l'énergie de choix pour la chauffe de l'air et de l'eau.
Le Québec est privilégié de pouvoir compter sur des ressources hydrauliques et bientôt sur l'éolien pour son électricité, deux ressources renouvelables et non polluantes.
Il faut par ailleurs faire une utilisation responsable de l'électricité, qui est irremplaçable pour fournir l'éclairage et alimenter les moteurs électriques, les ordinateurs et les communications électroniques.C'est gaspiller cette énergie noble que de l'utiliser pour la chauffe de l'air et de l'eau.
Cette erreur, qui s'explique historiquement, peut être corrigée en recourant au gaz naturel. Avec la nouvelle génération d'appareils qui atteignent des rendements énergétiques de 95%, le gaz naturel au résidentiel est une option à encourager.
L'électricité ainsi économisée pourrait par exemple être exportée au profit de la société québécoise, tout en réduisant les émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serres produits par les centrales thermiques de l'Ontario ou des États-unis.
Les industries, les institutions et les commerces de Montréal utilisent déjà beaucoup de gaz naturel pour la chauffe, mais beaucoup reste à faire dans les résidences où nous menons avec succès, une offensive depuis quelques années.
C'est bon pour Gaz Métro, mais ce l'est encore plus pour le développement durable de Montréal.
Un autre vecteur de développement que nous poursuivons est celui de la cogénération. C'est un mode de production électrique par des turbines au gaz naturel dont la chaleur est récupérée pour fournir la vapeur ou l'eau chaude requise par les procédés industriels. Cette vapeur est aujourd'hui largement produite avec de l'huile lourde qui contribue non seulement à l'effet de serre, mais aussi au smog. La cogénération a donc un effet positif non seulement sur le bilan économique des entreprises, mais aussi sur le bilan environnemental de notre société. Je suis persuadé que la part du marché du gaz naturel va continuer de croître. Sa popularité est telle qu'en Amérique du Nord, les ressources pourtant importantes, ne suffisent pas à suivre le rythme d'augmentation de la demande, ce qui exerce une pression sur les prix.
L'Amérique, comme l'Europe et l'Asie le font déjà, va devoir se tourner rapidement vers le marché international ou des réserves importantes de gaz naturel sont aujourd'hui disponibles et transportables sous forme liquide par des méthaniers.
Il faut savoir que le continent nord-américain consomme annuellement 30% du gaz naturel alors que ses réserves ne comptent que pour 4%. L'accès au marché international est inévitable.
C'est une chance pour le Québec qui bénéficie avec le Saint-Laurent d'une voie d'eau profonde qui pénètre loin à l'intérieur des marchés.
Cela explique notre inébranlable volonté de construire à Lévis un port méthanier qui pourra répondre aux besoins du Québec. Au lieu d'être à la sortie du système de transport canadien, nous nous positionnerons à son entrée. Cela nous offrira un avantage stratégique indéniable pour le futur.
Cet investissement de plus de 700 millions de dollars cadre très bien dans une perspective de développement durable, puisque l'énergie est un bien essentiel dont la disponibilité ne doit pas être prise pour acquise.
En terminant, permettez-moi de vous dire que je suis très confiant que le virage amorcé à Montréal en faveur du développement durable est porteur d'avenir.
Si on met tous l'épaule à la roue (les gouvernements, les entreprises et les citoyens), nous construirons ensemble un lieu plus prospère, offrant une qualité de vie supérieure. Une ville que nous pourrons léguer avec fierté aux générations futures.