Discours de
Monsieur Gérard Collomb
Sénateur-Maire de Lyon
Président du Grand Lyon
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« Vision du développement économique de la grande région Lyonnaise.
Défis et rôle des collectivités métropolitaines dans l'avenir des Nations »
Chambre de Commerce de Montréal Métropolitain
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Jeudi 7 octobre 2004, 12h42
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain (Benoît Labonte)
Monsieur le Maire de Montréal, (Gérald Tremblay)
Monsieur le Maire de Quebec, (Jean-Paul L'Allier)
Monsieur le Maire de Winnipeg, (Glenn Muray)
Monsieur le Président du Conseil Régional, (Jean-Jack Queyranne)
Monsieur le Président du Conseil Général du Rhône, (Michel Mercier)
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Directeur du Centre Jacques Cartier, (Alain Bideau)
Mesdames et Messieurs les Professeurs, Chercheurs et Experts,
Mesdames, Messieurs,
Distingués invités,
Laissez-moi tout d'abord vous dire combien je suis heureux de pouvoir être parmi vous aujourd'hui et à quel point je suis honoré de pouvoir évoquer devant vous, la vision et les enjeux du développement économique de la grande région Lyonnaise.
1- Un constat : le phénomène urbain s'impose
Notre époque est caractérisée par de profonds mouvements, au premier rang desquels la mondialisation, aussi appelée «globalisation», ou encore «continentalisation» qui redistribue les pouvoirs traditionnels de nos Etats au bénéfice de grandes régions à l'échelle internationale, à l'instar de l'Europe et de ses grandes agglomérations.
Partout sur la planète, le phénomène urbain s'impose.
Un nouvel espace se dessine, une nouvelle géographie émerge, un nouvel équilibre du territoire est en train de naître autour de véritables nuds métropolitains qui absorbent une part croissante de la population et des activités.
En Europe, par exemple, plus de 80% de la population vit dans les aires urbaines, dont près de la moitié dans les 200 plus grandes villes.
Conscientes du poids qu'elles représentent, les villes ont développé des réseaux de coopérations afin de revendiquer le rôle international qu'elles sont désormais en mesure de jouer.
Par leur capacité à être des médiateurs entre les Etats et les citoyens, à animer le territoire, par leur vocation de proximité, les villes offrent aujourd'hui un cadre où nos concitoyens peuvent être écoutés et entendus. Un cadre où ils peuvent s'épanouir, où ils peuvent intervenir dans la vie de la cité de manière optimale, que ce soit par le biais de la concertation, d'associations ou encore d'actions collectives.
Plus encore que les Etats ou les empires qui se sont succédés, les villes ont toujours été les creusets de la civilisation. Les termes latins et grecs urbs, polis ou civis qui désignent tous la ville, en témoignent. Ils ont donné en français des mots comme politique, politesse, urbanité, civilité, et bien évidemment civilisation.
Riches de notre héritage, conscients de nos responsabilités, forts de nos initiatives, nous avons le devoir, nous acteurs locaux, de construire, non pas une société impersonnelle, uniforme et inégale mais une société où s 'épanouisse la diversité des cultures et des langues. Une société respectueuse de la liberté individuelle, soucieuse d'éducation, de formation, d'égalité dans l'accès aux technologies aussi bien qu'au savoir. Enfin, une société à visage humain, fondée sur la culture démocratique et les droits de l'Homme.
C'est précisément dans ce cadre là, que Lyon a organisé -quelques semaines avant le Sommet de Genève et à la volonté de Kofi Annan d'associer les villes, les pouvoirs locaux et la société civile aux projets et aux actions de l'ONU- le 1er Sommet Mondial des Villes et des Pouvoirs Locaux sur le thème de la société de l'Information.
Lyon est également impliquée de manière très concrète dans l'initiative de Paix de Genève en accueillant quelques unes des réunions préparatoires.
Et nous accueillons pour la troisième fois BIOVISION, le forum mondial des sciences du vivant qui réunit plus de 1 500 experts internationaux. Mais si ce phénomène de métropolisation, voit naître un nouveau temps des villes, il est également marqué par une concurrence accrue entre elles pour attirer et retenir les entreprises, sources de richesses, d'emplois, d'une véritable dynamique sociale et par conséquent d'équilibre.
Demain, dans une Europe élargie, seule une vingtaine de métropoles émergeront et seront les véritables foyers du développement économique, de la richesse culturelle, de l'innovation scientifique et technique.
Dans ce contexte global, seules les villes et les régions les plus dynamiques et les plus attrayantes parviendront demain à tirer leur épingle du jeu et à avoir une véritable crédibilité au niveau international.
Si nous, collectivités locales, nous avons longtemps tardé à accepter le fait qu'il y avait entre chacune des grandes agglomérations européennes une véritable compétition, nous sommes aujourd'hui conscients, et plus que jamais convaincus, que nous sommes face à une véritable logique de « marché » et où chaque territoire est devenu un produit.
Dans ce contexte difficile, hautement concurrentiel, il est impératif d'établir une série de préalables afin de mettre en place une stratégie capable d'accroître notre attractivité.
2- Mettre en place une stratégie économique pour accroître notre attractivité
Les préalables - Premièrement : atteindre une taille critique, non pas par l'englobement, mais par l'instauration d'un nouveau type de gouvernance:
- Des lieux de réflexions stratégiques et de dialogue entre les différentes collectivités (RUL, démarches INTERSCOT, réseau des villes, etc.)
- Des projets de développements qui pourraient être engagés avec les communes et structures intercommunales voisines ; (ex. : transports en commun avec le Nord Isère, construction de parking-relais).
Si l'Europe de demain sera incontestablement l'Europe des villes, nous ne devons pas pour autant perdre de vue que notre cadre d'action doit se concevoir aussi au niveau régional.
Et si Lyon doit encore se renforcer comme capitale de région, et être plus que jamais l'élément moteur du développement et de l'attractivité économique de la Région Rhône-Alpes, elle doit aussi s'appuyer sur des compétences de chacune des autres agglomérations (Grenoble et Saint Etienne) en établissant des pôles d'équilibre.
- Deuxièmement : nécessité de mettre en cohérence les investissements publics et les choix de développement faits par les entreprises en définissant en commun des orientations stratégiques:
- En effet, la puissance publique doit offrir les conditions de développement aux entreprises, et en retour celles-ci participent, par les emplois, les services, les besoins de formation qu'elles génèrent à la vitalité et à l'attractivité du territoire.
- C'est pourquoi, acteurs économiques et collectivité doivent être associés de manière permanente dans la construction d'une stratégie économique pour la métropole lyonnaise, et cela, de la genèse à la mise en uvre de cette stratégie.
- Ainsi, le partenariat et la gouvernance deviennent en tant que tels des facteurs d'attractivité du territoire.
- Troisièmement : la transformation du rôle de la puissance publique et des collectivités territoriales, qui de la seule dimension d'aménagement évoluent de plus en plus vers une mission de développement en fédérant les acteurs, en impulsant des orientations stratégiques, en animant des démarches partenariales.
C'est ainsi qu'est né «Le Grand Lyon, l'Esprit d'Entreprise», une stratégie économique unique en France, élaborée en partenariat entre le Grand Lyon, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon, la Chambre des Métiers, et les instances patronales (le Gil-MEDEF et la CGPME) et destinée à faire de Lyon une grande métropole européenne du XXIème siècle. Cette stratégie vise à la fois à :
- Favoriser l'entrepreneuriat, pour faire de Lyon un espace d'excellence pour la création d'entreprise, en offrant aux porteurs de projets l'ensemble des conditions d'accompagnement (sensibilisation, financement, immobilier dédié, conseil);
- Accompagner les évolutions de notre tissu de TPE - PME dans les secteurs industriels et tertiaires traditionnels, par l'innovation et la mutualisation de moyens, notamment par l'appropriation des Technologies de l'Information et de la Communication (Espace Numérique Entreprise);
- Faire émerger des pôles d'excellence avec une forte lisibilité internationale, ainsi les biotechnologies, les loisirs interactifs (Jeux vidéos) ou encore la mode et la création font l'objet de toutes les attentions pour promouvoir Lyon au rang des plus grandes capitales européennes et mondiales.
Pour conduire à bien cette stratégie, il a été nécessaire de mettre en place dans toute l'agglomération des équipements structurants, véritables leviers de développement, propres à satisfaire notre rang de métropole internationale.
Parmi ces différents leviers, nous pouvons retenir le développement de l'aéroport Lyon Saint Exupéry, qui doit devenir à terme la deuxième porte d'entrée sur le territoire national, mais aussi la liaison ferroviaire Lyon-Turin, ou encore la construction d'un grands centre de congrès en plein cur de Lyon avec la Salle 3 000.
Parce qu'au delà de l'action directe sur l'activité économique, chacun de ces équipements structurants opère directement aussi sur la qualité de vie et l'environnement de toute notre agglomération, ces grands projets sont autant de facteurs essentiels d'attractivité pour notre territoire.
Et les résultats de cette stratégie sont payants puisque ces dernières années, notre région a confirmé sa forte contribution à l'attractivité de la France. Et nous sommes d'ailleurs depuis 1997, selon le baromètre Ernst & Young, la première région après l'Ile de France pour l'implantation à capitaux étrangers.
De la même manière, après avoir été pendant longtemps dans le peloton de queue en matière de création d'entreprises, notre agglomération est devenue ces dernières années la première aire urbaine de France en terme de créations d'entreprises avec plus de 8 500 entreprises créées en 2003, soit largement plus que la moyenne nationale (12% contre 8.7%).
3- La nécessité de travailler en réseau
Mais asseoir une telle stratégie nécessite de travailler à partir de réseaux d'acteurs, afin de bâtir des partenariats et de fédérer des initiatives.
Ce travail de réseau, de partenariats, se fait déjà au niveau international en investissant les réseaux de villes et leur dynamismes. C'est le cas de Citynet, de LUCI ou encore des Eurocités, où Lyon prend chaque année une place de plus en plus importante.
C'est le cas aussi des nombreux protocoles d'échanges et de chartes d'alliances qui unissent Lyon à près de 50 villes à travers le monde, dont la ville de Montréal.
Ce travail en réseau, nous le poursuivons aussi à l'échelle de l'agglomération et c'est ainsi que je suis déjà partis à New-York à Barcelone, à Milan, à Turin ou encore à Munich accompagné à chaque fois d'une délégation de plusieurs dizaine de personnes du monde économique, culturel, universitaire, et que j'étais avant hier encore une nouvelle fois à New-York
afin de promouvoir avec des responsables et des chefs d'entreprise lyonnais, les atouts économiques de notre agglomération.
4- L'attractivité de notre agglomération passe des opérations de marketing
Comme vous pouvez vous en rendre compte Mesdames et Messieurs, la stratégie d'attractivité économique d'une grande agglomération comme Lyon passe par le développement de pôles d'excellence, par l'organisation de grands événements internationaux (BioVision, Pollutec, Alliance, Lyon Mode City, Print'Or, Game Connection, les Dialogues pour la Terre ou encore le Sommet Mondial des Villes et des pouvoirs locaux sur la société de l'information dont je vous parlais il y a quelques instants
), mais comme pour toute entreprise, ces actions doivent aussi entrer dans un plan de communication et de marketing réfléchi.
C'est pourquoi nous n'hésitons plus aujourd'hui à « vendre » notre territoire aux investisseurs internationaux comme ce fut le cas lors du Marché international des professionnels de l'immobilier (MIPIM) qui s'est tenu à Cannes au mois de mars dernier.
Dans ce contexte global, l'enjeu européen est bien évidemment primordial et la compétition, déjà rude, va continuer de s'accroître.
Face à ces nouveau pays entrants, le développement et le dynamisme des métropoles européennes ne peut se faire qu'en étant en cohérence avec nos avantages comparatifs (R&D, nouvelles technologies, industrie chimique) et en nous inscrivant dans un territoire qui regarde au-delà des frontières des Etats.
Cela suppose de continuer à développer les pôles d'innovations, bien sur, mais pas seulement. Le pôle d'enseignement, par exemple, doit aussi se mettre au diapason de cette nouvelle donne.
C'est ainsi qu'en plus de la présence de 12 établissements d'enseignement bilingue, l'agglomération lyonnaise va se doter, dès cette année, d'une International School supplémentaire, afin de répondre toujours mieux à la forte demande de cadres européens de passage à Lyon.
CONCLUSION :
Vous le voyez Mesdames et Messieurs, les villes ont une place importante à jouer dans ce contexte de mondialisation accrue.
Mais dans cette nouvelle redistribution des pouvoirs, il convient de ne jamais oublier de mettre l'Homme au centre de chacune des initiatives.